Remaniement en Tunisie : Ghannouchi reconduit, pas les anciens ministres de Ben Ali

Le Premier ministre Mohamed Ghannouchi a annoncé le remaniement gouvernemental dans lequel la plupart des postes clés – sauf le sien – ne sont plus confiés à d’anciens collaborateurs de Ben Ali. Des manifestants continuent de réclamer son départ.

Des étudiants tunisiens manifestent devant le siège du gouvernement à Tunis, le 27 janvier 2011. © AFP

Des étudiants tunisiens manifestent devant le siège du gouvernement à Tunis, le 27 janvier 2011. © AFP

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 28 janvier 2011 Lecture : 4 minutes.

Après une dizaine de jours de manifestations à travers toute la Tunisie, la plupart des ministres anciennement membres du parti au pouvoir sous Zine el-Abidine Ben Ali, le Rassemblement démocratique constitutionnel (RCD), ont démissionné. Annoncé depuis quarante-huit heures, le remaniement gouvernemental a eu lieu jeudi soir.

Premier constat : le Premier ministre Mohamed Ghannouchi est reconduit, bien qu’il ait été pendant 11 ans chef du gouvernement de Ben Ali. Mais les postes clés changent de mains. Les Affaires étrangères sont confiées à Ahmed Ounaïs, un diplomate de carrière qui a servi sous les présidences de Habib Bourguiba et du président Zine el-Abidine Ben Ali avant de prendre sa retraite. L’Intérieur va à Farhat Rajhi, la Défense à Abdelkarim Zebidi, et les Finances à Jelloul Ayed.

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Le gouvernement a été formé à la suite de « consultations avec tous les partis politiques et les composantes de la société civile qui ont accepté d’y participer », a déclaré Ghannouchi en direct à la télévision publique. « Sa mission sera d’organiser des élections pour que le peuple choisisse en toute liberté », et il « s’engage à ce que les élections soient organisées sous le contrôle d’une commission indépendante en présence d’observateurs internationaux pour en garantir la transparence ». Avant d’appeler les Tunisiens « à retourner au travail ».

Le nouveau gouvernement fait plus de place à la société civile, à des technocrates et baisse sensiblement sa moyenne d’âge en faisant également appel à des membres de la diaspora tunisienne connus sur la scène européenne pour leurs compétences.

On note que le ministère de l’Intérieur sera dirigé par un magistrat, Farhat Rajhi, procureur de la République à Bizerte. Jelloul Ayed (Finances), Mehdi Haouas (Commerce et Tourisme), Ilyes Jouini (ministre chargé des Réformes économiques et sociales auprès du Premier ministre), Sami Zaoui (secrétariat d’État chargé des TIC auprès du ministre de l’Industrie et du Tourisme) ont en commun d’être familiers du monde l’entreprise et des milieux financiers. Le maintien de Moncef Bouden (secrétaire d’État chargé de la Fiscalité auprès du ministre des Finances) est cependant étonnant, car celui-ci a été l’une des premières cibles de la vindicte populaire cette semaine, du fait de la forte pression fiscale que subissaient les PME et les citoyens du temps de Ben Ali.

Par ailleurs, deux présidents de commissions sont confirmés : Taoufik Bouderbala, pour la commission d’enquête sur les violences et Abdelfattah Amor pour la commission chargée d’investiguer sur les questions de corruption et de malversation. Mais le communiqué du gouvernement ne fait plus mention de la commission de la réforme politique conduite par Iadh Ben Achour.

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"Ghannouchi, dégage !"

Réaction des centaines de manifestants massés devant la Primature : une grosse explosion de joie. Mais ils ont aussitôt continué à réclamer le départ du Premier ministre. « Ghannouchi dégage ! » « Nous ne partirons pas ! Dégage ! Dégage ! » « C’est déjà pas mal », commentait de son côté un jeune manifestant, « mais Ghannouchi doit partir car c’est le chef du gang ».

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Juste avant l’annonce du remaniement ministériel, Kamel Morjane avait annoncé sa démission, comme pour se démarquer des autres ministres sur le départ, et l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) avait également fait part de sa décision de ne pas participer au prochain gouvernement. La centrale syndicale accepte cependant que Ghannouchi reste en place ainsi que deux autres ministres de l’ancienne équipe Ben Ali détenteurs de ministères purement techniques.

« On ne soutient pas Ghannouchi mais on l’a accepté pour la stabilité du pays », a indiqué à l’AFP un dirigeant syndical sous couvert de l’anonymat. Une autre source de l’UGTT a affirmé que le syndicat allait tenter de convaincre les milliers de manifestants réunis devant les bureaux du Premier ministre d’accepter le nouveau gouvernement de transition.

Retour de Rached Ghannouchi dimanche

Par ailleurs, le chef du parti islamiste tunisien Ennahda, Rached Ghannouchi, en exil à Londres, prévoit de rentrer dimanche plus de 20 ans après avoir quitté la Tunisie, selon le porte-parole d’Ennahda à Paris. « Il ne rentre pas en triomphant, en revendiquant une quelconque place au gouvernement, mais comme simple citoyen », a déclaré à l’AFP Houcine Jaziri, représentant en France du parti interdit sous l’ancien régime.

Les événements en Tunisie inspirent plus que jamais la jeunesse d’Égypte, où des manifestations sans précédent depuis 30 ans se poursuivent pour exiger le départ du président Hosni Moubarack. L’opposant Mohamed el-Baradei est rentré au pays pour participer à la contestation qui s’annonce particulièrement forte après la prière de vendredi. Enfin, au Yémen, des milliers de personnes ont manifesté jeudi à Sanaa à l’appel de l’opposition pour réclamer le départ du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans. (Avec AFP)

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Le nouveau gouvernement tunisien :

1- Premier ministre : Mohamed Ghannouchi (dernier Premier ministre de Ben Ali, reconduit)

2 – Ministre de la Défense nationale : Abdelkarim Zebidi

3 – Ministre des Affaires étrangères : Ahmed Ouneies

4 – Ministre de l’Intérieur : Farhat Rajhi

5 – Ministre de la Justice : Lazhar Karoui Chebbi (indépendant, reconduit)

6 – Ministre des Affaires religieuses : Laroussi Mizouri (indépendant, reconduit)

7 – Ministre du Développement régional et local : Ahmed Néjib Chebbi (dirigeant du Parti démocratique progressiste, ex-opposition à Ben Ali, reconduit)

8 – Ministre de l’Éducation : Taieb Baccouch (syndicaliste indépendant, reconduit)

9 – Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique : Ahmed Brahim (dirigeant du parti Ettajdid, ex-opposition à Ben Ali, reconduit)

10 – Ministre de la Santé publique : Mme Habiba Zéhi

11 – Ministre du Commerce et du Tourisme : Mehdi Houas

12 – Ministre des Affaires sociales : Mohamed Naceur

13 – Ministre de l’Agriculture et de l’Environnement : Mokhtar Jalleli

14 – Ministre de la Planification et de la Coopération internationale : Mohamed Nouri Jouini (membre du dernier gouvernement Ben Ali, reconduit)

15 – Ministre de l’Industrie et de la Technologie : Mohamed Afif Chelbi (membre du dernier gouvernement Ben Ali, reconduit)

16 – Ministre des Finances : Jelloul Ayed

17 – Ministre de la Culture : Ezzedine Bach Chaouech

18 – Ministre des Affaires de la femme : Mme Lilia Laabidi (responsable associative, reconduite)

19 – Ministre du Transport et de l’Équipement : Yacine Ibrahim

20 – Ministre de la Formation et de l’Emploi : Said Aydi

21 – Ministre de la Jeunesse et des Sports : Mohamed Aloulou (indépendant, reconduit)

22 – Ministre auprès du Premier ministre, chargé des Réformes économiques et sociales : Elyes Jouini

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