Acculé financièrement, le camp Gbagbo prend le contrôle des coffres ivoiriens de la BCEAO
Après la fermeture par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest de ses agences en Côte d’Ivoire, le camp Gbagbo essaie de récupérer les réserves de trésorerie de l’État ivoirien. Et celles-ci risquent de s’épuiser rapidement…
260 milliards de F CFA (environ 400 millions d’euros). C’est le montant de l’ensemble de la trésorerie de l’État ivoirien (comptes séquestres des grandes entreprises d’État compris) dont le camp de Laurent Gbagbo tente de reprendre le contrôle, selon des sources internes à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Et il en a cruellement besoin pour avancer les 70 à 80 milliards de F CFA nécessaires au paiement des fonctionnaires chaque mois.
Car le président sortant n’a théoriquement plus accès à ces fonds, qui se trouvent sur un compte tenu par la BCEAO. Il a en effet perdu sa signature au profit du président élu Alassane Ouattara d’après une décision de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA).
Le maintien de Philippe-Henry Dacoury-Tabley (un proche de Laurent Gbagbo) au poste de gouverneur de la banque centrale régionale avait permis de repousser l’échéance, en permettant au camp Gbagbo de conserver un contrôle sur ses comptes. Le décaissement de quelques 60 milliards de F CFA (91,5 millions d’euros) aurait ainsi été autorisé à son profit ces dernières semaines.
Mais depuis la démission de Philippe-Henry Dacoury-Tabley, sous la pression des pays membres samedi dernier, Laurent Gbagbo est acculé financièrement.
Et c’est sans doute une des principales raisons de sa décision prise mercredi de réquisitionner les agences de la BCEAO présentes sur le territoire ivoirien. À la suite de la signature de ce décret, le ministre des Finances du camp Gbagbo, Désiré Dallo, est entré avec des hommes en armes dans l’agence abidjanaise de la banque.
C’est « une violation flagrante des engagements internationaux pris par l’État de Côte d’Ivoire », a réagi le gouverneur par intérim de la banque centrale, Jean-Baptiste Compaoré, rappelant le principe de l’inviolabilité de ses locaux, prévu par les statuts. Il a en conséquence annoncé la fermeture de « toutes les agences de la BCEAO installées sur le territoire de la Côte d’Ivoire […] jusqu’à nouvel ordre ».
Contrôle de la salle des coffres
Selon une source interne à la banque, le camp Gbagbo a pris le contrôle de la salle des coffres et entrepris d’en extraire des liquidités. Huit milliards de F CFA auraient ainsi été récupérés mercredi.
Mais la fermeture des activités la BCEAO en Côte d’Ivoire a un autre effet potentiellement dévastateur pour le camp Gbagbo. Sa chambre de télé-compensation permet habituellement aux banques et à l’État ivoirien d’effectuer des transferts de fonds.
Or cette chambre a été fermée depuis Dakar, siège de la BCEAO. C’est donc toute l’activité bancaire du pays qui pourrait être gelée. « On ne peut pas travailler, tout est bloqué, on n’a pu faire aucune opération de compensation », a confié mercredi un haut cadre d’une banque internationale à Jeune Afrique.
Les rentrées fiscales que le camp Gbagbo espérait conserver en se faisant payer sur des comptes non contrôlés par la BCEAO, seraient aussi compromises. L’étranglement financier, stratégie poursuivie pour éviter d’avoir à intervenir militairement pour déloger Laurent Gbagbo, changerait tout à coup de dimension.
C’est pourquoi, avec la réquisition ordonnée par le président sortant, le ministère de l’Économie et des Finances espère remettre en place un système de compensation interne à la Côte d’Ivoire pour permettre aux banques et à l’État de fonctionner.
Pour ce faire, les fonctionnaires de la BCEAO se sont vus proposés de se mettre au service de Diali Zié, qui a été nommé directeur national de la BCEAO par le camp Gbagbo (une nomination impossible dans le fonctionnement normal de la banque). Le précédent directeur national, Denis N’Gdê, avait été quant à lui rappelé au siège à Dakar. Seule alternative laissée aux fonctionnaires de la banque : la démission.
Lire également "UEMOA : dans les coulisses du sommet de Bamako", dans le Jeune Afrique n° 2612, en kiosques du 30 janvier au 5 février.
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