Comment les islamistes veulent reprendre la main en Tunisie
Parti politique interdit, vexations publiques, emprisonnements injustes… les islamistes tunisiens accueillent le départ de Ben Ali avec soulagement. Et veulent bénéficier des retombées de la révolution politique.
Ils sont les grands oubliés de la révolution tunisienne. Et, depuis la fuite de Zine el-Abdine Ben Ali vers l’Arabie saoudite, les islamistes du parti interdit Ennahda (Renaissance) entendent bien inverser la tendance. S’ils n’ont pas pris part au mouvement de révolte qui a débouché sur la chute du régime mi-janvier, ils voient pourtant dans ce nouvel état de fait l’occasion de se faire une place.
« C’est nous qui sommes depuis des années en première ligne de l’opposition au régime et nous en avons payé le prix, nous avons subi toutes les injustices : prison, torture, privation de passeport, harcèlement policier », déclare Mohammed Hedi Ayani, militant d’Ennahda.
Pour le moment, pas question d’en faire trop. Les cadres du parti ont déjà indiqué qu’ils ne présenteraient pas de candidats à l’élection présidentielle. L’objectif affiché est d’abord de reconstruire la démocratie et de profiter de l’avènement du multipartisme en Tunisie promis par le gouvernement de transition.
Rigueur des prisons tunisiennes
Beaucoup d’islamistes tunisiens ont connu les prisons, en vertu de la loi antiterroriste adoptée en 2003 par le régime de Ben Ali, et vivement critiquée par les défenseurs des droits de l’homme, en Tunisie comme à l’étranger, ainsi que par le Comité des droits de l’homme des Nations unies.
« Ils ont été condamnés au cours de procès injustes sous le régime criminel de Ben Ali, qui s’est servi d’eux pour se faire bien voir en Amérique et en Europe et montrer qu’il s’investissait pleinement dans la lutte contre le terrorisme », dénonce Samir Ben Amor, avocat spécialisé dans la défense des prisonniers islamistes. Selon lui, Près de 3 000 Tunisiens ont été victimes de cette loi, et de 500 à 1 000 islamistes sont encore aujourd’hui emprisonnés. Trois seulement appartiennent à Ennahda.
« Mon père a passé cinq ans à Guantanamo, il a été relâché et expulsé sans que les États-Unis ne retiennent aucune charge contre lui. La justice tunisienne l’a condamné à sept ans de prison à son retour. Cela fait un an et demi que je n’ai pas été autorisée à le voir », dénonce Aïcha el-Hajj. « Mon père disait qu’il préférait retourner à Guantanamo, qu’une journée dans les prisons tunisiennes était pire que cinq ans là-bas », souligne-t-elle.
Le niqab "par défi"
« Il faut libérer tous les prisonniers islamistes », demande ainsi Inès, 27 ans, au milieu d’une foule de parents de détenus réunis devant le ministère de la Justice pour demander des nouvelles de leurs proches. Inès porte le niqab, un fait rare en Tunisie. « Avant je n’osais pas sortir avec, même pour acheter du pain, mais maintenant, par défi je le mets tout le temps », proclame-t-elle.
« Prier était considéré comme un crime en Tunisie », ajoute un jeune islamiste, tandis qu’un autre rappelle les humiliations subies. Rappelant que les policiers rasaient parfois de force les barbes des militants.
Les islamistes tunisiens doivent se débarrasser de l’image négative qu’ils véhiculent. Certaines Tunisiennes craignent par exemple qu’ils s’imposent sur la scène politique et n’interviennent contre les droits des femmes. Mais eux promettent de respecter les avancées en matière de libertés personnelles. Pour l’heure, ils ne souhaitent qu’une chose : ne plus être pointés comme un épouvantail. (avec AFP)
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