Influencé par la Côte d’Ivoire et la Tunisie, Mba Obame se proclame président du Gabon

L’opposant gabonais André Mba Obame s’est autoproclamé président du Gabon en s’inspirant des exemples ivoirien et tunisien. Même s’il n’appelle pas explicitement à l’insurrection, l’ancien ministre de l’Intérieur est accusé d’avoir commis un crime de « haute trahison » par le gouvernement d’Ali Bongo Ondimba.

L’opposant André Mba Obame, le 30 décembre 2010 au Gabon. © afp

L’opposant André Mba Obame, le 30 décembre 2010 au Gabon. © afp

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 26 janvier 2011 Lecture : 5 minutes.

Un coup d’État institutionnel en Côte d’Ivoire, une révolution en Tunisie et la diffusion d’un documentaire intitulé Françafrique ont eu une conséquence imprévisible : l’arrivée d’un second président au Gabon, André Mba Obame. Le 25 janvier, dans une « adresse au peuple gabonais » diffusée sur sa propre chaîne de télévision privée TV+, le candidat malheureux à la présidentielle à tour unique du 30 août 2009 (25,33 % des voix contre 25,66 % pour Pierre Mamboundou et 41,79 % pour Ali Bongo Ondimba), s’est tout simplement autoproclamé président.

Solennellement, en fin de journée, l’ex-ministre gabonais de l’Intérieur, qui a toujours revendiqué la victoire à la présidentielle, prête serment sur la Constitution gabonaise « consacrant l’entrée en fonction du président de la République ». La cérémonie a lieu devant une foule de partisans et de journalistes à Libreville, au siège de l‘Union nationale (UN), coalition d’opposition fondée avec les ex-candidats à la présidentielle Jean Eyéghé Ndong (ex-Premier ministre), Casimir Oyé Mba (ex-Premier ministre et ex-ministre des Mines), Jean Ntoutoume Ngoua  Bruno Ben Moubamba et Zacharie Myboto.

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« Le vote des Gabonais est plus fort que la décision d’une Cour constitutionnelle aux ordres. […] Le Gabon doit être dirigé par celui que les Gabonaises et les Gabonais ont réellement choisi », a-t-il estimé, citant et répétant avec insistance un article de « la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793 » : « Quand le gouvernement viole le droit du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »

"Nous y sommes !"

« Mes chers compatriotes, nous y sommes! […] Prenons nos responsabilités. Personne ne le fera à notre place. Nous ne sommes pas plus lâches que les Ivoiriens. Nous ne sommes pas plus lâches que les Tunisiens. Alors, l’Histoire est en marche, on y va ! », a-t-il lancé. Et de joindre la parole aux actes en nommant son propre gouvernement. Son Premier ministre est Raphaël Bandega Lendoye, professeur à l’université Omar Bongo de Libreville et cadre de l’UN. Suivent les noms de 18 ministres, dont Bruno Ben Moubamba aux Affaires étrangères.

Mais Mba Obame n’appelle pas explicitement à l’insurrection, il demande une adhésion populaire à ses principes et objectifs tout en précisant être « prêt à tout ». « J’avais décidé qu’il était de ma responsabilité de vainqueur de cette élection de privilégier l’intérêt supérieur de notre pays et accepter la mort dans l’âme l’inacceptable en laissant l’imposture s’installer au pouvoir. C’est pourquoi à l’époque, je n’avais pas donné le mot d’ordre que tous attendaient et que plusieurs me suggéraient fortement. Je ne vous avais pas demandé à l’époque de descendre dans la rue », a-t-il dit, avec beaucoup d’ambiguïté.

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Il en a aussi appelé « aux amis du Gabon, à la communauté internationale » : « La restauration de la démocratie effective est la condition de la stabilité du Gabon. […] Je n’ai ni arme, ni armée. J’ai le peuple gabonais et sa détermination. » Mais Mba Obame a surtout en face de lui un régime qui a déjà treize mois de pouvoir. Et la réaction du gouvernement ne s’est pas fait attendre.

« En prenant la lourde responsabilité de s’autoproclamer président de la République et en formant une équipe gouvernementale insurrectionnelle », M. Mba Obame, les membres de son équipe et « ceux qui les y ont encouragés et soutenus viennent de violer gravement les dispositions constitutionnelles » du Gabon, selon un communiqué lu par le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, Jean-François Ndongou, dans la nuit de mardi sur la télévision publique RTG1.

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"Haute trahison"

« La violation de ces dispositions […] constitue un crime de haute trahison puni par la loi », a ajouté Ndongou, entouré de ses collègues de la Défense nationale, Pacôme Rufin Ondzounga, et de la Communication, Paul Ndong Nguema, tous présents à Tchibanga (sud-ouest) où le président et le gouvernement séjournent en prélude à un Conseil des ministres sur place, jeudi.

Selon Ndongou, André Mba Obame et son gouvernement « encourent les sanctions et les peines prévues par la loi », dont « la traduction des intéressés devant les tribunaux compétents, la demande de la levée de l’immunité parlementaire » de Mba Obame auprès de l’Assemblée nationale. La loi prévoit aussi la dissolution possible du parti et « la radiation de la Fonction publique des agents de l’État concernés ».

Par ailleurs, le gouvernement se réserve le droit de prendre « toute autre mesure légale et réglementaire nécessaires dans cette situation », a poursuivi M. Ndongou. Il a invité les populations à « vaquer librement à leurs occupations » et à « ne donner aucun crédit à cette situation incongrue et bien inutile ». Enfin, il a demandé aux diplomates et étrangers vivant au Gabon de garder leur sérénité. Une chose est sûre : au Gabon, l’opposition n’a pas fini de faire parler d’elle. (Avec AFP)

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Le gouvernement nommé par André Mba Obame :

1. Premier ministre, chef du Gouvernement : Dr Raphaël BANDEGA-LENDOYE

2. Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération : Bruno Ben MOUBAMBA

3. Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation : Professeur John NAMBO

4. Ministre de la Solidarité nationale, de la Santé et de la Sécurité sociale : Marie-Agnès KOUMBA

5. Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, chargé de la Réforme des institutions constitutionnelles : Francis AUBAME

6. Ministre des Finances, du Budget et de la Fonction publique : Fabien MBENG EKOROZOCK

7. Ministre de la Défense nationale : Michel ONGOUNDOU

8. Ministre de l’Économie, du Commerce, de l’Industrie et des PME-PMI : Arthur NDOUNGOU

9. Ministre des Infrastructures, des Transports et de l’Aménagement du Territoire : Jean Grégoire MAPAGA

10. Ministre de l’Urbanisme, du Logement et du Cadre de vie : Michel DELBRAH

11. Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, porte-parole du gouvernement : Roland MOUTOUMBI

12. Ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement technique et professionnel, chargé de l’Instruction civique : Alfred MEMINE ME NZUE

13. Ministre de l’Agriculture et de la Pêche : Thierry NANG

14. Ministre des Ressources naturelles : Paul-Marie NDJAMBIEMPOLO GONDJOUT

15. Ministre de l’Emploi et du Travail : Aymar MOAPA DJIABOUÉNI

16. Ministre de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs : Marc KOUMBA-YEMBI

17. Ministre de la Culture et des Arts, chargé des Relations avec les institutions constitutionnelles : Pasteur ÉMANE MINKO

18. Ministre de l’Environnement, du Tourisme et des Parcs nationaux, chargé du Développement durable : Dr Radegonde DJENO

19. Ministre de la Communication, de la Poste et des Télécommunications, chargé de l’Économie numérique : Pierre NZEMBI

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