Centrafrique : élections générales et cafouillages en série

Deux fois reportées, les élections générales centrafricaines se sont tenues le 23 janvier. Avec quelques approximations… Reportage de notre envoyée spéciale.

Des votants à Bangui, le 23 janvier. © AFP

Des votants à Bangui, le 23 janvier. © AFP

Publié le 24 janvier 2011 Lecture : 4 minutes.

PK 12, à 12 km du centre de Bangui. Bassines remplies de baguettes de pain en équilibre sur la tête, les vendeurs ambulants se frayent un passage entre les pousseurs de chariots et leurs cargaisons de bois. D’un pas pressé, les familles endimanchées se dirigent vers l’église. Des femmes patientent à la borne-fontaine avec leurs bidons jaunes. Il est 6 h 30, et ce dimanche qui commence ressemble à tous les autres dans un quartier densément peuplé des abords de Bangui. Mais ceux qui le souhaitent pourront ajouter une activité inhabituelle à leur emploi du temps : voter.

Nous sommes le 23 janvier, 1,8 million d’électeurs centrafricains (pour 4,8 millions d’habitants) sont appelés aux urnes pour choisir un président parmi cinq candidats et élire 105 députés. Dans un pays grand comme la France et la Belgique réunies, où le budget 2011 de l’État s’élève à 320 millions d’euros, organiser des élections générales est un défi. Deux fois reporté – il était prévu en avril puis en mai 2010 -, le scrutin s’annonce chaotique.

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Il n’est pas 7 heures et devant les bureaux de Begoua 1 – une école de PK 12 transformée en centre de vote -, les files d’attente sont déjà longues. Ici, les portes se sont ouvertes à 6 heures comme prévu. Mais dans la salle de classe qu’éclaire à peine la lumière du jour, il manque un des deux assesseurs. « On ne sait pas où il est, on n’a pas son numéro de portable », explique le président du bureau. Tant pis, les opérations ont démarré sans lui. « On ne pouvait pas attendre, il y avait déjà beaucoup de monde », poursuit le président.

En attendant l’assesseur

Carte d’électrice en main, une petite dame bossue entre dans la pièce, foulard assorti à son boubou noué dans les cheveux. L’unique assesseur vérifie son nom sur le registre, un épais cahier dont chaque page est barrée des lettres RCA / CEI (République centrafricaine, Commission électorale indépendante). La petite dame est bien inscrite et peut voter. En guise de signature, elle laisse un gribouillis maladroit sur le registre. Elle glisse ses deux bulletins dans les urnes – l’une porte la lettre « P » pour présidentielle, l’autre, la lettre « L » pour législatives -, puis trempe son doigt dans un pot d’encre.

L’assesseur n’est toujours pas arrivé. Les observateurs qui travaillent pour le compte des candidats s’en plaignent. Ils sont deux. L’un représente Martin Ziguélé, du Mouvement pour la libération du peuple centrafricain (MPLC), l’autre, François Bozizé, le président sortant, convoitant sa propre succession. Père de 8 enfants, « gérant au chômage », l’homme de Ziguélé dit travailler sans contrepartie. Étudiant, 23 ans, celui de Bozizé dit recevoir 5 000 francs CFA pour la journée.

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Un homme râblé, au costume beige constellé de taches, entre dans le bureau de vote. Il n’a pas de carte d’électeur, et tend à l’assesseur – toujours unique – un petit bout de papier. En lettres manuscrites (au stylo bille), son identité est déclinée sur le document intitulé « récépissé ». Il porte le numéro 139. Le président du bureau le considère comme valable. Mais le registre comporte deux numéros 139. L’électeur pourra néanmoins voter, puisque son nom figure face à l’un des deux 139…

Sur le pas de la porte restée ouverte, la foule jusqu’alors disciplinée se met soudain à crier, en sango (langue véhiculaire en Centrafrique). Une clameur monte. C’est que l’assesseur absent vient d’arriver ! Les électeurs ont eu le temps de préparer son accueil. « Pourquoi tu es venu en retard ? », « Tu traînais avec ta femme ? », lance un votant. Éclats de rire de tous, sauf de l’assesseur. Il ne bronche pas et se met immédiatement au travail.

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Dépouillement à la bougie

Au Centre de santé urbain Bédé-Combattant, dans le 8e arrondissement de Bangui, les électeurs auraient bien aimé connaître de si menus tracas. Ici, le vote a commencé à 8 heures au lieu de 6 heures. Les listes manuscrites censées permettre aux électeurs de trouver le numéro de leur bureau de vote ne sont pas affichées. D’après la CEI, le scrutin devait prendre fin à 16 h 00. Mais à 16 h 40, une foule bruyante remplit encore la cour. On joue des coudes et on crie pour se faire une place dans la file d’attente. « Les listes ne sont pas affichées, vous trouvez ça normal Madame ? », hurle un jeune électeur à l’haleine alcoolisée.

Dans le 5e arrondissement, au centre de vote Vara, les listes sont bien affichées. Mais comme ce fut souvent le cas durant la journée, deux voisins venus pour « faire leur devoir » cherchent encore leur nom. Il est 17 h 30, le jour décline et ils n’ont toujours pas voté.

Ici, les salles de classe étant trop « exiguës », selon l’un des présidents, on a dressé des tentes dans deux coins de la cour. Elles abritent quatre bureaux. Les observateurs des candidats sont assis sur des chaises basses en bois, cahiers sur les genoux. Certains ont préparé des bougies car le dépouillement se déroulera dans l’obscurité.

Encore y aura-t-il ici des urnes à dépouiller. Selon un témoin, dans la commune de Ouanda, dans la moitié sud de la province de la Vakaga (Nord), « le matériel n’a pas été déployé ». Pas de vote, donc, pour les quelque 30 000 habitants de la commune…

Mais la désorganisation n’est pas l’apanage des « petits » électeurs. Annoncé à 7 heures à la mairie de Bangui, le vote du chef de l’État s’est finalement déroulé vers 12 h 30 dans un lycée du 4e arrondissement.

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