Une manifestation interdite dégénère à Alger
En Algérie, où des émeutes ont eu lieu début janvier en signe de protestation contre la vie chère, une manifestation interdite a été réprimée par les autorités samedi.
La manifestation qui s’est tenue, malgré l’interdiction de se rassembler, samedi 22 janvier à Alger, a fait plusieurs blessés. Son organisateur, le président du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD, parti d’opposition) Saïd Sadi, estime que 42 de ses partisans ont été blessés par la police. « Il y a eu plusieurs blessés et parmi eux le chef du groupe parlementaire du RCD Othmane Amazouz, ainsi que de nombreuses arrestations », a-t-il déclaré par téléphone à l’AFP depuis l’Algérie.
Peu après le début du mouvement de protestation, le chef régional du RCD à Bejaia (260 km à l’est d’Alger), Reda Boudraa, a été vu la tête couverte de sang après avoir reçu un coup de bâton. Il a été évacué en ambulance avec un autre manifestant.
Le député et porte-parole du RCD Mohsen Belabbes avait déjà annoncé à la mi-journée cinq blessés. Citant une source policière, l’agence APS a pour sa part fait état de sept policiers blessés, dont deux dans un état grave. L’AFP a été témoin d’arrestations musclées par la police qui a de son côté annoncé cinq interpellations à l’APS. Parmi elles, semble-t-il, Arezki Aïter, le député RCD de Tizi Ouzou, principale ville de Kabylie, relâché une heure plus tard selon son parti.
« Prisonnier dans le siège du parti »
Les manifestants mécontents brandissaient le drapeau de l’Algérie, mais aussi celui de la Tunisie, qui vient de connaître une révolution marquée par la chute du régime Ben Ali. Une révolution à laquelle les Algériens ont fait dernièrement référence pour justifier leur propre mouvement de contestation. Ils ont crié des slogans anti-gouvernement tels que « le pouvoir, y’en a marre », « État assassin », « Algérie libre, Algérie démocratique ».
A l’appel du RCD, les manifestants s’étaient rassemblés dans la matinée devant le siège du parti avant la marche prévue sur le Parlement. Dès le début, environ 300 personnes se sont retrouvées bloquées par des centaines de membres des forces de l’ordre casqués, équipés de matraques, boucliers et gaz lacrymogène, devant le RCD sur l’avenue historique Didouche Mourad. « Je suis prisonnier dans le siège du parti, déclarait Saïd Sadi par haut-parleur depuis le premier étage de l’immeuble. On ne peut pas mener de lutte pacifique quand ont est assiégé », avait-il clamé à ses partisans et aux journalistes, avant que le blocus ne prenne fin.
« Le fait d’interdire des marches pacifiques encadrés par des partis et la société civile, c’est pousser à une explosion », a déclaré le président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (Laddh) Mostefa Bouchachi. « C’est désolant ».
Manifestation sous haute sécurité
Craignant des débordements ou, pire, une situation "à la tunisienne", les autorités se sont préparées dès vendredi soir en organisant le quadrillage de la capitale algérienne. Le RCD venait en effet d’annoncer qu’il maintenait l’appel à la manifestation, en dépit de l’interdiction de manifester en vigueur en Algérie, pays qui vit sous état d’urgence depuis 1992.
En pleine nuit, des dizaines de véhicules blindés ont donc pris position dans le vieux centre historique et des barrages ont été érigés aux entrées de la capitale. Au moins trois bus transportant des manifestants de Kabylie ont été bloqués dès vendredi soir, selon des témoins cités par le quotidien El Watan.
Le déploiement des forces de sécurité a commencé dès vendredi soir, avec la mise en place de dizaines de véhicules blindés et de plusieurs centaines de membres de la protection civile et de la police sur la place de la Concorde. Le palais présidentiel d’Abdelaziz Bouteflika était quant à lui protégé par des véhicules blindés armés de canons à eau, ainsi que par des rondes d’hélicoptères.
L’Algérie a vécu début janvier cinq jours d’émeutes contre la vie chère qui ont fait cinq morts et plus de 800 blessés. Le mouvement s’est arrêté après l’annonce par le gouvernement de mesures pour faire baisser les prix des produits de première nécessité.
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