Tunisie : heurs et malheurs d’une révolution au quotidien

Du fait des pilleurs et des saccages commis pas les milices de Ben Ali, la vie quotidienne est devenue très difficile à Tunis. Nourriture, communication, déplacements… Alors, on s’organise. Et grâce à la solidarité, c’est une nouvelle société qui voit le jour.

Un homme montre sa joie d’avoir réussi à acheter du pain, à Tunis le 16 janvier 2011. © AFP

Un homme montre sa joie d’avoir réussi à acheter du pain, à Tunis le 16 janvier 2011. © AFP

Publié le 20 janvier 2011 Lecture : 3 minutes.

La réalité a très vite rejoint les mutins du 14 janvier. Après l’ivresse du changement, Tunis s’est  réveillée avec une gueule de bois nationale ! D’un quartier à l’autre, c’est le silence qui frappe. Celui du calme après la tempête. Les rues, étrangement vides, témoignent de la hargne des bandes de pilleurs. Partout, verres brisés, papiers déchirés et traces d’incendie racontent le tsunami de la colère populaire. La confusion a été totale et générale ; beaucoup croyaient avec naïveté qu’il suffisait de débarquer l’ex-président Zine el-Abidine Ben Ali et reprendre le cours des choses.

Avec incrédulité, les Tunisiens ont découvert le machiavélisme du pouvoir et de ses milices, qui ont semé la terreur et tenté de pratiquer une politique de la terre brûlée. Mais ces dernières n’ont pas été les seules auteures de saccages. Les raids, spontanés ou télécommandés, contre les hypermarchés et les commerces ont défiguré les paysages urbains. En moins de quarante-huit heures, Tunis ne se ressemble plus.

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Personne n’avait évalué la puissance de la vague populaire et anticipé ses conséquences au quotidien. On pensait sincèrement faire la révolution et faire tranquillement ses courses le lendemain !

Pas une miette de pain

La ville émerge désormais peu à peu du silence. Avec prudence, on attend que le jour soit bien installé pour mettre le nez dehors. On est encore sous le choc des tirs d’armes à feu qui résonnaient la nuit. Les comités de quartiers, qui se sont formés spontanément pour parer aux raids nocturnes des milices et des pilleurs, ont laissé des barricades faites de bric et de broc à chaque coin de rue.

Le premier souci reste le pain. Pas une miette n’est disponible. Personne n’y avait songé mais les produits de première nécessité sont rares. Les supermarchés ont été vandalisés et les épiciers n’ont pas de stocks suffisants pour répondre aux besoins immédiats. L’armée qui s’est déployée partout rassure la population et veille sur les longues queues qui se forment devant les rares boulangeries qui ont rallumé leurs fours tard dans la journée.

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« Je vends des ordinateurs, ouvrir mon magasin aujourd’hui n’a pas de sens ; mes employés ne trouvent pas de moyens de transport et ils ont peur de s’éloigner de chez eux, on est quand même en état d’urgence ! », souligne Kais, un commerçant. Pour l’instant son problème immédiat, c’est de recharger son téléphone. Là aussi, c’est la panique : on envisage mal de se passer de son portable et il est extrêmement difficile de trouver des cartes téléphoniques. Les opérateurs réagissent en offrant à tous un dinar de recharge. Ouf…

Solidarité tunisienne

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Mais très vite, d’autres priorités apparaissent. Peu de pharmacies sont ouvertes, les automobilistes errent en quête d’une station-service ouverte. Elles resteront fermées pendant deux jours par mesure de sécurité mais aussi faute de réapprovisionnement. Les étals de fruits et légumes demeurent vides.

Au marché Lafayette, dimanche, quatre vendeurs s’étaient organisés pour être fournis et profitaient de la détresse générale pour pratiquer des prix forts. « C’est dingue, au moment où on est tous dans un vrai élan de solidarité, il y en a qui en profitent quand même ! », dit Moufida, une mère de famille. « Laisse tomber, lui répond sa voisine, j’ai des tomates et des poivrons, on partage. »

L’expression commune d’une colère profonde a fait découvrir aux Tunisiens le partage spontané, même avec des inconnus. « À partir d’aujourd’hui, on est tous frères et ce sera notre force », clame un quinquagénaire auquel on vient de donner un litre de lait. Empêché de fêter la conquête de sa liberté à cause des miliciens, le peuple devient encore plus solidaire. Certes les banques sont fermées et les distributeurs automatiques de billets sont vides, mais il n’a jamais été aussi facile d’emprunter de l’argent aux copains. Ceux qui ont, donnent. On fera les comptes après !

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