Immolations par le feu : symptômes d’un malaise dans le monde arabe ?
Deux nouveaux cas de tentative de suicide par le feu ont eu lieu en Égypte mardi. Le même jour, selon la presse algérienne, un jeune homme aurait aussi tenté de mettre fin à ses jours de la même manière. Après la révolution tunisienne, partie d’un geste de ce type, les pays arabes devront se pencher sur ses répercussions dans leurs sociétés lors d’un sommet à Charm el-Cheikh mercredi.
Onze immolations par le feu, faisant deux morts, plus deux tentatives. C’est le macabre bilan d’une vague de suicides de ce genre que connaît le monde arabe, depuis le geste de Mohamed Bouazizi, à Sidi Bouzid, le 17 décembre dernier.
Après sa mort, des manifestations avaient éclaté dans la région, avant que la Tunisie connaisse un embrasement généralisé avec l’issue que l’on connait. Et visiblement, Mohamed Bouazizi a inspiré des citoyens désespérés des pays arabes.
Dernier suicide de ce type en date, celui d’un jeune chômeur de 25 ans, présenté comme déficient mental par les autorités, à Alexandrie (nord de l’Égypte) mardi. Il a succombé à ses blessures à l’hôpital.
Le même jour, un avocat d’une quarantaine d’années s’était aspergé d’un liquide inflammable avant de se brûler devant le siège du Parlement au Caire.
L’Algérie très touchée
Mercredi matin, la presse algérienne rapportait aussi le cas d’un jeune homme ayant tenté de mettre fin à ses jours en s’immolant par le feu mardi soir en plein centre-ville de Dellys (est de l’Algérie). Selon El-Watan, qui rapporte l’information sur son site internet, il se trouvait mercredi dans un état critique.
Toujours selon les médias algériens lundi, une femme s’était versé un liquide inflammable sur le corps avant de tenter d’y mettre le feu en pleine assemblée populaire communale à Sidi Ali Benyoub (450 km au sud-ouest d’Alger) lundi. Elle aurait été convaincue par un agent communal d’interrompre son geste.
Cette série est d’autant plus inquiétante pour Alger parce que le pays avait déjà connu des émeutes début janvier. Mais dans les autres pays arabes, elle préoccupe également.
"Désespoir total"
Pour Amr Hamzawi, du centre pour le Moyen-Orient de la fondation américaine Carnegie, ces immolations « clairement inspirés par les événements de Tunisie », témoignent du « désespoir total » d’une grande partie des populations arabes et de l’incapacité des régimes autoritaires d’y répondre.
« Il y a déjà eu des cas de suicides motivés par des protestations en Égypte, mais c’est la première fois que l’on voit des immolations », relève pour sa part le politologue Amr al-Chobaki, du centre d’études Al-Ahram.
« Il n’y a pas de différence entre un suicide par noyade ou un suicide par immolation, mais ce dernier contient un message pour le pouvoir qui est de dire : "Je proteste." C’est cela qui est important du point de vue psychologique », affirme pour sa part Hefny Kedri, professeur de psychologie politique à l’université Ain Shams du Caire.
Même la prestigieuse université égyptienne d’Al-Azhar, plus haute institution d’enseignement de l’islam sunnite, a réagi par la voix de son porte-parole. « L’islam interdit catégoriquement le suicide sous quelque raison que ce soit et ne permet pas de se séparer de son corps pour exprimer un malaise, une colère ou une protestation », a-t-il déclaré.
La situation en Tunisie et ses conséquences pour les autres pays arabes sera au centre d’un sommet économique arabe qui se tient mercredi à Charm el-Cheikh, en Égypte.
« Des pays se désintègrent, des peuples mènent des insurrections, […] et les citoyens arabes se demandent : est-ce que les régimes arabes actuels peuvent répondre à ces défis de manière dynamique ? », a reconnu le chef de la diplomatie koweïtienne Mohammad al-Sabah.
Le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa a pour sa part appelé les 22 membres de l’organisation à « saisir la leçon tunisienne » pour s’attaquer aux défis sociaux et économiques. (avec AFP)
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