Imed Trabelsi mort, les milices se déchaînent en Tunisie
La nuit dernière a été extrêmement agitée en Tunisie, alors que les milices proches de l’ancien président Ben Ali, dont le neveu Imed Trabelsi a été poignardé, tentent de faire régner la terreur pour faire capoter la transition démocratique en cours. Mais la résistance populaire s’organise.
Les Tunisiens viennent de vivre leur seconde nuit de liberté, mais ils sont encore loin d’en jouir totalement. Il n’est certes plus question de se battre contre la censure mais de faire respecter le droit fondamental à la sécurité. Si la durée du couvre feu a été prolongée de deux heures – il court désormais de 17 heures à 7 heures du matin -, ce n’est pas pour rien.
Les milices de l’ombre, hommes des basses besognes de l’ancien régime ont commencé leur travail de sape, avec la bénédiction de Mouammar Kadhafi qui, avant de prononcer son discours contre la révolution tunisienne hier soir, a eu un long entretien téléphonique avec son grand frère le président déchu Zine el-Abidine Ben Ali, qui a fui son pays pour l’Arabie saoudite. Quel rôle va jouer la Libye dans l’évolution de la situation tunisienne ? Nul ne le sait, mais la population s’interroge sur son potentiel de nuisance : après tout, un des gendres influents de Ben Ali, Slim Chiboub et le chef des miliciens lui-même, l’ex-responsable de la sécurité d’État, Ali Seriati, n’ont-ils pas été arrêtés alors qu’ils essayaient de s’enfuir vers Tripoli ?
La multiplication des exactions commises par les milices coïncide avec le discours de Kadhafi, mais aussi avec la nouvelle de la mort de l’un des neveux du couple Ben Ali, Imed Trabelsi. « Il est mort vendredi », a confirmé une source de l’hôpital militaire de Tunis, ajoutant qu’il avait été « poignardé ».
Le « chouchou » de Leïla Ben Ali
Ayant fait fortune dans l’immobilier et la grande distribution (notamment en association avec la marque Conforama) avant de se faire élire maire de la Goulette en mai dernier, le « chouchou » de Leïla Ben Ali avait été poursuivi sans succès en France pour « vols en bande organisée » de yachts (notamment celui de Bruno Roger, un des dirigeants de la Banque Lazard, proche des présidents français Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy). Il aurait été victime d’un règlement de compte de la part de l’un de ses anciens collaborateurs – et c’est le premier cas de décès confirmé dans l’entourage immédiat de Ben Ali. D’où, sans doute, la volonté de vengeance des séides du camp de l’ex-président.
Imed Trabelsi était poursuivi en France pour vol de yachts, ainsi que son frère Moez.
© D.R.
Dans ce contexte de pillages et d’attaques de milices, l’armée tente de contrôler la situation en quadrillant la capitale. La présence de nombreux hélicoptères volant à très basse altitude au dessus de la ville, rassure et angoisse en même temps. La tension est visiblement plus forte que la veille. Dans les quartiers, spontanément, les habitants se mobilisent, qui avec un gourdin, qui avec une barre de fer, pour se défendre des attaques nocturnes des miliciens.
Vers une heure du matin, l’armée la ancé des appels afin que les habitants rentrent chez eux de manière à éviter de les confondre avec des miliciens. Ces derniers sont des hommes armés qui, à bord de véhicules banalisés, effectuent des raids dans la capitale, en dépit du couvre feu, pour terroriser la population. Mercenaires à la solde de l’ancien régime, ils n’ont plus rien à perdre. Leur objectif est de déstabiliser le pays en pleine transition démocratique, de semer la terreur dans le vain espoir que leur héros refera surface.
« Protéger ce pourquoi le sang de nos enfants a coulé »
Mais s’il réussissent à entretenir la peur en tentant de provoquer le chaos, leurs sombres desseins sont jusqu’à présent contrés par la solidarité spontanée qui s’est installée dans les quartiers comme dans les médias. La télévision et les réseaux sociaux (Facebook, Twitter…) communiquent les numéros d’urgence à appeler en cas de problème et dressent des bilans sécuritaires, quartier par quartier. « C’est la mobilisation générale, résume un habitant du quartier d’El Manar. On doit se protéger, protéger ce pourquoi le sang de nos enfants a coulé. Jusqu’au bout ils veulent nous empêcher de vivre notre victoire ».
La situation semble la même dans le reste du pays. Au matin, l’armée est visible partout. Les visages sont tendus et on craint des émeutes du pain. Les militaires assurent l’ordre devant les rares magasins approvisionnés. À Medenine des policiers en civil incitent des nomades à piller les maisons et les commerces. Des prisonniers dangereux se sont évadés des prisons de Mahdia, Monastir, El Mornaguia. Mais très peu de nouvelles parviennent de Sidi Bouzid, Thala et Kasserine, foyers du mouvement insurrectionnel.
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