Kadhafi : « Ben Ali est toujours le président légal de la Tunisie »

Dans un discours solennel, le chef de l’État libyen Mouammar Kadhafi a fait la leçon au peuple tunisien. Et en fustigeant le changement de régime à Tunis, où le président Ben Ali a été destitué de fait, il a également réussi à faire la promotion de son système de gouvernement. Avis aux amateurs…

Pour Mouammar Kaddafi, il n’y a pas mieux que Ben Ali pour la Tunisie. © AFP

Pour Mouammar Kaddafi, il n’y a pas mieux que Ben Ali pour la Tunisie. © AFP

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 16 janvier 2011 Lecture : 2 minutes.

C’est un bel exemple de solidarité arabe : dans un discours « à l’adresse du peuple tunisien », diffusé par les médias d’État libyens, Mouammar Kadhafi a désapprouvé de manière très directe le changement de régime chez son voisin de l’Est. « Vous avez subi une grande perte (…) Il n’y a pas mieux que Zine » (El Abidine Ben Ali) pour gouverner la Tunisie », a d’abord déclaré le « Guide », sans avoir peur de passer pour un rabat-joie.

Alors qu’une grande majorité de Tunisiens se réjouissent de l’exil en Arabie saoudite de Ben Ali, Kadhafi n’hésite pas à voler au secours de son ex-homologue en exprimant une nouvelle fois sa conception très particulière de la démocratie. « Je n’espère pas seulement qu’il reste jusqu’à 2014, mais à vie », a-t-il lancé avant d’affirmer : « Ben Ali n’a fait que de bonnes choses pour la Tunisie ». Et de saluer les performances économiques de ce pays. Mais Kadhafi va plus loin encore.

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Se substituant à la rue tunisienne, ainsi qu’au Conseil constitutionnel, il affirme que Ben Ali est toujours « le président légal de la Tunisie selon la constitution (…) Le mandat du président doit durer jusqu’à sa fin », en 2014. On attend bien-sûr la réponse du président tunisien par intérim, Fouad Mebazaa

« Pourquoi n’avez-vous pas patienté ? »

Anticipant sans doute les réactions de la population tunisienne, le « Guide » n’a pas hésité à la prendre directement à partie : « Ben Ali vous a dit qu’il quittera le pouvoir, dans trois ans. Pourquoi n’avez-vous pas patienté ? ». Mais l’argument le plus concret, celui qui trouvera sans doute le plus d’écho chez les Tunisiens, est celui de la sécurité des biens.

« La Tunisie, un pays touristique et développé, devient la proie de bandes cagoulées, de vols et d’incendie ». Pour lui, pas d’optimisme : la Tunisie est « dans le chaos, dont on ne voit pas la fin ».

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Et enfin, puisqu’il faut trouver des responsables à cette situation, Kadhafi s’en prend de manière aussi subtile qu’originale aux nouveaux moyens de communication. Selon lui le peuple tunisien a été « victime des mensonges » diffusés sur Internet, notamment par WikiLeaks et les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter qui, malgré la censure, ont joué un grand rôle dans les protestations anti-Ben Ali.

Grande complicité avec Ben Ali

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Avec ce disours à charge contre la « révolution du jasmin », le Guide libyen voulait-il seulement manifester sa grande complicité avec l’ex-président tunisien ? Pas seulement… Car il a aussi précisé qu’il pourrait comprendre le nombre élevé de morts pendant le soulèvement « si le peuple tunisien défendait une cause juste qui est le pouvoir du peuple » – comprendre le modèle de « démocratie directe » instauré en Libye, où des congrès populaires se réunissent chaque année pour faire remonter au Congrès du peuple (Parlement) des décisions par l’intermédiaire de « comités populaires » élus…

Enfin, l’intervention de Kadhafi s’est achevée par la diffusion de scènes d’émeutes, de pillages et d’incendies à Tunis, sur fond de musique triste et solennelle. Les images émouvantes où l’on voit des Tunisiens fraterniser ne faisaient apparemment pas partie du programme. Le bonheur des uns… (Avec AFP)

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