Ange-Felix Patassé : « Il n’y a aucun pacte entre Bozizé et moi »
Candidat à la présidentielle de janvier 2011, l’ex-président centrafricain Ange-Félix Patassé revient pour Jeune Afrique sur le processus électoral, ses rapports avec François Bozizé qui l’avait renversé en 2003 et sa conviction de gagner avec des accents parfois mystiques.
Jeune Afrique : La veille de Noël, vous avez accusé le président François Bozizé de préparer le trucage de la présidentielle. Maintenez-vous vos propos ?
Ange-Félix Patassé : Oui, je les maintiens car les informations sont alarmantes. Les conditions pour une élection crédible ne sont pas réunies. Aujourd’hui, nous ne connaissons pas le nombre exact des électeurs. Les cartes d’électeurs sont fabriquées dans les quartiers par des gens qui ne sont pas connus, en dehors de toute règle. Les listes électorales ne sont pas encore affichées. Selon le dernier recensement, 2,1 millions de personnes sont en âge de voter, alors que les inscrits ne sont que 1,8 million. Pourquoi tous les adultes ne sont-ils pas inscrits ? Nous demandons un recensement informatisé pour éviter cette fraude honteuse. Il faut que nous puissions nous retrouver pour faire le point ensemble, François Bozizé et nous, les autres candidats. C’est impératif pour sauver la paix. La racine du mal, c’est la Commission électorale indépendante [CEI]. Il faut la remplacer. Depuis deux mois et demi, je demande à rencontrer le président Bozizé. Il fait la sourde oreille. Ce n’est pas bon.
Demandez-vous un report ?
Non. Il y en a déjà eu assez. Si l’élection c’est aujourd’hui, je suis prêt. Demain, je suis prêt. Après-demain aussi. Si nous nous réunissons demain et disons : pas de fraude, en moins d’une semaine, tout est réglé.
Dans une déclaration, les autres candidats de l’opposition envisagent de boycotter le scrutin si le président de la CEI n’est pas remplacé. Vous ont-ils invité à les rejoindre ?
Oui, mais je ne suis pas dans l’opposition. Je ne suis dans aucun camp. Je suis un indépendant. Et je suis là pour réconcilier tout le monde.
Quelle est, dans votre programme, la différence Patassé ?
Mon programme, c’est 1 – la paix, 2 – la confiance entre les Centrafricains et la confiance avec les amis de la Centrafrique, 3 – un programme de société sur une période de 25 ou 30 ans et fondé sur la famille, c’est à dire la femme et l’enfant.
Selon François Bozizé, votre régime était une démocratie de bagarres permanentes avec des mutineries à la chaîne…
[Rires]. Mais ce sont des mutineries dont lui-même il est l’auteur ! Il s’accuse. Ce n’est pas moi. Moi, je n’ai jamais été rebelle. Dans ma longue carrière politique, je n’ai jamais pris les armes. C’est ça, ma force. Je suis un homme de paix. Et j’ai tourné la page.
Quand François Bozizé était rebelle, regrettez-vous d’avoir fait appel aux troupes du Congolais Jean-Pierre Bemba ?
Nous ne sommes plus à cette période. S’il faut revenir sur le passé, je crois que tout le monde aura son compte.
N’exprimez-vous pas des regrets pour toutes les femmes centrafricaines qui ont été violées par les combattants de Bemba ?
Pour le moment, je m’occupe des élections. Ensuite, je proposerai la création d’une Commission vérité et réconciliation, comme en Afrique du Sud.
Qui est, à cette présidentielle, votre principal adversaire ?
Je ne veux pas faire de distinction entre les six candidats.
Martin Ziguélé a le soutien du Mouvement de libération du peuple centrafricain, le MLPC. N’est-ce pas un sérieux adversaire ?
C’est moi qui ai créé le MLPC, mais je n’y suis plus. Ils se sont réunis d’une manière illégale et ils ont décidé de m’exclure.
Mais ne risquez-vous pas d’être marginalisé par Martin Ziguélé ?
[Rires]. Vous verrez lors des résultats de l’élection. Le MLPC, c’est maintenant une coquille vide.
La dernière fois, Martin Ziguélé s’est qualifié pour le second tour. Qu’est-ce qui vous fait croire que les gens qui ont voté Ziguélé en 2005 vont voter Patassé en 2011 ?
Aujourd’hui, les paramètres ne sont plus les mêmes. Beaucoup de gens quittent les rangs du MLPC parce qu’on leur a menti. On leur a dit que j’étais aveugle, que j’étais infirme, que je ne reviendrai plus. Mais je suis en pleine forme ! Si vous pouviez voir comment je danse, vous seriez surpris. J ‘ai 18 ans ! Et je suis le petit frère de Jésus.
Pourquoi cette référence religieuse. N’est-ce pas un peu mystique ?
Mais c’est ce que le Seigneur m’a dit. Pourquoi voulez-vous que je mente ! Je suis pasteur. C’est pour ça que j’ai pardonné à tous ceux qui ont voulu faire des coups d’État contre moi.
En pratique, votre candidature affaiblit celle de Martin Ziguélé. N’y a-t-il pas un pacte entre François Bozizé et vous ?
De quel pacte parlez-vous ? Le président a déjà dit qu’il n’y a aucun pacte entre lui et moi. Si j’avais passé un contrat avec lui, je me serais aligné sur lui. Je ne suis pas un faux. Je suis un homme de parole ! Pour le moment, je n’ai passé d’accord avec personne. Que le meilleur gagne !
Mais depuis votre retour à Bangui, vous avez déjà rencontré le chef de l’État à quatre ou cinq reprises ?
C’était pour aider à régler les problèmes de paix. N’oubliez pas que, lors du dialogue politique inclusif, j’étais l’acteur principal.
Beaucoup voient cette élection comme un tiercé entre François Bozizé, Martin Ziguélé et vous-même. Dans quel ordre voyez-vous ce tiercé ?
Moi, je ne suis pas turfiste. Premier tour ou deuxième tour, je vais aux élections pour gagner.
François Bozizé dispose de l’appareil d’État. N’est-il pas favori ?
En 1993, André Kolingba avait l’appareil d’État avec lui, et c’est moi qui ai gagné. C’est l’homme qui compte, pas l’appareil.
Depuis l’arrivée au pouvoir de François Bozizé, les relations sont très étroites entre la Centrafrique et le Tchad. Si vous êtes élu, est-ce que ça changera ?
Le Tchad est un pays frère et voisin. Avec mon frère Déby [Idriss Déby Itno, président du Tchad, NDLR], j’ai d’excellentes relations.
N’a-t-il pas aidé François Bozizé à vous renverser ?
Je ne suis pas un revanchard. Regardez la France et l’Allemagne. Maintenant, ils font des Conseils des ministres ensemble. Le passé, c’est le passé. Si j’ai pardonné à Bozizé, pourquoi je ne pourrais pas pardonner à mon frère Déby ?
Qui a gagné l’élection en Côte d’Ivoire ?
Je ne sais pas. Je ne suis pas sur le terrain et je n’ai pas de camp. Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara sont tous les deux mes frères et je milite pour qu’ils s’entendent. Je prie pour que la solution de force soit écartée. Il faut privilégier le dialogue.
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