Alassane Ouattara n’envisage la solution militaire qu’en dernier recours
Dans sa première interview depuis l’élection présidentielle du 28 novembre, Alassane Ouattara a laissé la porte ouverte au dialogue avec Laurent Gbagbo, qui peut épargner à la Côte d’Ivoire une « opération militaire » selon lui.
Dans une interview accordée à France 24 en duplex depuis le Golf Hôtel d’Abidjan mercredi 5 janvier, le président élu de Côte d’Ivoire Alassane Ouattara s’est montré moins va-t-en-guerre que son Premier ministre Guillaume Soro. Si l’ancien chef des Forces nouvelles estime que Laurent Gbagbo ne quittera le pouvoir que sous la contrainte, Alassane Ouattara a, lui, déclaré continuer à vouloir privilégier la voie diplomatique. « Je suis un homme de paix », a-t-il répété à plusieurs reprises au cours de l’entretien.
Abordant tout de même la question d’une éventuelle intervention militaire, il s’est borné à déclarer que la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao, en charge de la médiation dans la crise ivoirienne) devrait prendre une décision dans les jours à venir, mais que Laurent Gbagbo était en mesure « de nous épargner une opération militaire », s’il acceptait de se retirer.
Mais surtout, Alassane Ouattara a insisté sur le fait que la Côte d’Ivoire ne devait pas redouter de guerre civile : « Il suffit d’aller chercher Laurent Gbagbo et de l’enlever du Palais présidentiel », a-t-il déclaré. « Si la force est utilisée en Côte d’Ivoire, ce sera pour enlever Laurent Gbagbo. Ce ne sera pas une force contre les Ivoiriens ou contre la Côte d’Ivoire », a-t-il ajouté.
Ni fraude ni nouveau décompte
Le ton s’est durci lorsqu’il a évoqué la question des résultats de l’élection présidentielle, invalidée par le Conseil constitutionnel qui a donné la victoire à Laurent Gbagbo – alors que la Commission électorale indépendante (CEI) avait décompté plus de bulletins en faveur de Ouattara.
« Le Conseil constitutionnel aux ordres [du camp Gbagbo, NDLR] avait le choix entre invalider ou valider le scrutin présidentiel, mais il ne pouvait pas supprimer des votes », a-t-il assené, en allusion à l’article 64 du code électoral ivoirien. Ce texte prévoit que le Conseil, au cas où il « constate des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité du scrutin et à en affecter le résultat d’ensemble », doit prononcer « l’annulation de l’élection présidentielle ». Un nouveau scrutin doit alors être organisé « au plus tard quarante-cinq jours » après cette décision. Ce qui n’est pas la même chose que de décider d’annuler les votes dans sept départements favorables à Alassane Ouattara.
Ce dernier rejette toute accusation de fraude dans son fief et refuse le recomptage des votes demandé par Laurent Gbagbo : « Il n’est pas question de comité d’évaluation. Laurent Gbagbo a perdu et doit accepter le verdict des urnes. »
La possibilité d’une amnistie
Si Alassane Ouattara s’est montré ferme quant à sa légitimité de chef de l’État élu, il s’est en revanche refusé à poser tout ultimatum à celui qui continue d’occuper le Palais présidentiel. Pourtant, il a taxé le comportement de Laurent Gbagbo de « hors-la-loi », et a dénoncé le fait qu’il tentait de gagner du temps en faisant la sourde oreille aux récriminations de la communauté internationale « pour pouvoir recruter des mercenaires […] et exporter des valises d’argent dans certains pays amis. […] Il s’expose à des sanctions s’il continue ».
Néanmoins, Alassane Ouattara s’est dit prêt à laisser Laurent Gbagbo demeurer en Côte d’Ivoire et à négocier avec lui les conditions de son départ du Palais présidentiel « pour qu’il jouisse de ses droits d’ancien chef d’État et qu’il puisse circuler librement ».
Le médiateur de l’Union africaine (UA) dans la crise ivoirienne, le Premier ministre kényan Raila Odinga, est allé dans le même sens en indiquant ce mercredi : « Il y aura une amnistie pour lui ainsi que ses proches dans le sens où il ne sera pas poursuivi ou persécuté. Et dans le cas où il déciderait de rester dans le pays, il serait autorisé à vaquer à ses occupations normalement. »
« S’il décidait de partir en exil, il ne sera pas traîné devant la Cour pénale internationale, à condition qu’il accepte de rendre le pouvoir », a ajouté Raila Odinga dans un communiqué.
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