Laurent Gbagbo : « Robert Mugabe n’avait pas totalement tort »

Dans une interview au quotidien français Le Figaro, Laurent Gbagbo se compare au président zimbabwéen Robert Mugabe. Jouant la partition de la citadelle Côte d’Ivoire assiégée par les « pays occidentaux », il se dit victime d’un complot. Comptant au passage faire oublier qu’il a été désavoué par les urnes.

Laurent Gbagbo, le 7 décembre 2010 à Abidjan. © AFP

Laurent Gbagbo, le 7 décembre 2010 à Abidjan. © AFP

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 27 décembre 2010 Lecture : 3 minutes.

La théorie du complot serait-elle le seul refuge de Laurent Gbagbo ? De plus en plus isolé, peu à peu dépouillé des oripeaux du pouvoir (il n’a plus accès aux comptes de la Côte d’Ivoire à la BCEAO, l’avion présidentiel est immobilisé à Bâle, etc…) et  désavoué par une forte majorité d’Ivoiriens ainsi que par la communauté internationale, le président sortant a tendance à s’enfermer  dans une rhétorique quelque peu paranoïaque, mais comme toujours très démagogique et calculée, comme il l’a une nouvelle fois prouvé dans une interview au Figaro.

« C’est surtout l’ambassadeur de France et l’ambassadeur des États-Unis. Ils sont allés chercher Youssouf Bakayoko, le président de la Commission électorale indépendante, pour le conduire à l’hôtel du Golf qui est le quartier général de mon adversaire » [Alassane Ouattara, élu avec 54,1% des voix], affirme Laurent Gbagbo.

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« Là-bas, alors qu’il se trouve hors délais et tout seul, ce qui est grave, on apprend qu’il a dit à une télévision que mon adversaire est élu. Pendant ce temps-là, le Conseil constitutionnel travaille et dit que Laurent Gbagbo est élu. À partir de là, Français et Américains disent que c’est Alassane Ouattara. C’est tout ça que l’on appelle un complot », ajoute Gbagbo, qui ne mentionne évidemment pas la polémique autour de l’article 64 du code électoral

« Je reste tranquille »

Concernant la menace d’une intervention militaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), le président sortant se veut pragmatique. « Toutes les menaces doivent être prises au sérieux. Mais en Afrique, ce serait bien la première fois que des pays africains seraient prêts à aller en guerre contre un autre pays parce qu’une élection s’est mal passée », déclare-t-il.

« Regardez un peu la carte de l’Afrique, regardez où ça se passe plus ou moins bien, ou plus ou moins mal, et regardez là où il n’y a pas d’élection du tout. Si on devait aller en guerre dans tous ces cas-là, je crois que l’Afrique serait perpétuellement en guerre. Donc je prends au sérieux les menaces mais je reste tranquille. J’attends de voir", ajoute-t-il, tout en accusant les Africains de se faire manipuler par les « Occidentaux ».

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« Dans les réunions des pays africains, les représentants des pays occidentaux sont plus nombreux dans les couloirs que les Africains. Les pressions sont énormes. (…). On n’en peut plus. Et quand on subit ce que je subis, on se dit que (Robert) Mugabe (toujours président du Zimbabwe, malgré une défaite aux élections, NDLR) n’avait pas totalement tort ».

Autre cible de Laurent Gbagbo – qui se garde bien de la nommer : le président du Burkina Faso, Blaise Campaoré. « En janvier 2003, un chef d’État voisin, qui vient d’être réélu à 80 %, avait déjà dit que je devais être livré à la CPI (Cour pénale internationale). C’était succulent venant de lui. Peut-être aurais-je dû me faire élire à 80 %, j’aurais été moins suspect », dit-il.

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Reprise d’une médiation

Enfin, Gbagbo relativise avec une pirouette la décision des institutions financières régionales de confier à  Ouattara la gestion des comptes du pays auprès de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BECEAO). « Ce n’est pas la banque centrale africaine qui paye les salaires des fonctionnaires. C’est l’argent de la Côte d’Ivoire », affirme-t-il, en ajoutant que cette décision « n’a aucun sens ».

Quant à sa volonté de trouver un compromis pour une sortie de crise pacifique – volonté qu’il a affirmée plusieurs fois à condition qu’on ne remette pas en cause son statut de président… – Laurent Gbagbo se dit heureux de la reprise éventuelle d’une médiation africaine (les deux précédentes de Thabo Mbeki et Jean Ping ont échoué). Une mission de trois chefs d’État de la Cedeao dirigée par les présidents Boni Yayi (Bénin), Ernest Koroma (Sierra Leone) et Pedro Pires (Cap-Vert) est attendue mardi à Abidjan. Ils présenteront à Gbagbo « le message » de la Cedeao, en privilégiant « une sortie de crise par le dialogue », selon le Bénin. « On aurait dû commencer par là. On aurait économisé beaucoup de malentendus », affirme Laurent Gbagbo au Figaro.

« Il faut venir voir ce qui se passe en Côte d’Ivoire. Quand on a vu, alors on prend une décision », ajoute-t-il. Problème : le message de la Cedeao, dans le fond, ne change pas. Et Laurent Gbagbo rejette par avance la proposition qu’on lui renouvelle : quitter le pouvoir en échange de multiples avantages.

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