Privé d’Agoa et critiqué sur les droits de l’homme, Kinshasa réplique

Ces derniers jours, les voix se sont multipliées pour dénoncer la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo (RDC), voire l’inaction du gouvernement à ce sujet. La réponse de Kinshasa, en trois actes, ne s’est pas fait attendre.

Joseph Kabila réussira-t-il à améliorer la situation des droits de l’homme en RDC ? © AFP

Joseph Kabila réussira-t-il à améliorer la situation des droits de l’homme en RDC ? © AFP

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 22 décembre 2010 Lecture : 3 minutes.

L’exaspération de Kinshasa a commencé samedi dernier, quand l’ambassadeur de la France pour les droits de l’homme, François Zimeray, a évoqué son « voyage bouleversant » de deux semaines en RDC, et notamment à Goma, dans l’est. « Il y a eu des moments extrêmement forts qui me donnent le sentiment d’une situation de naufrage s’agissant des droits de l’homme », avait-il témoigné. Mais le gouvernement n’avait pas réagi publiquement

Puis il y a eu, le lundi suivant, les propos de Human Rights Watch (HRW). L’ONG a dénoncé dans un communiqué « le recrutement forcé et illégal de plus de 1 000 jeunes hommes et garçons depuis septembre » dans l’est du pays, dont « au moins 261 » mineurs. Les responsables de ces enrôlements seraient, entre autres, d’anciens rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), depuis peu ralliés à Kinshasa et intégrés dans l’armée.

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Là encore, le gouvernement congolais avait préféré faire le dos rond, même si l’ONG citait le général de l’armée congolaise Bosco Ntaganda, ex-chef d’état-major du CNDP aujourd’hui sous mandat d’arrêt de la CPI, et des officiers qui lui sont proches comme responsables des recrutements forcés d’enfants-soldats.

"La RDC est la victime"

La goutte d’eau qui a vraisemblablement fait déborder le vase de la patience gouvernementale est venue des États-Unis, qui ont annoncé mercredi qu’ils priveraient à partir du 1er janvier 2011 la RDC du statut de partenaire économique privilégié que lui confère le programme Agoa (Africa Growth and Opportunity Act). Pis, c’est le décret signé par Barack Obama qui a suscité la colère de Kinshasa. « J’ai déterminé que la RDC n’effectuait pas les progrès nécessaires pour répondre aux critères » de l’Agoa, indiquait Obama.

Du coup, Lembert Mende, le porte-parole du gouvernement congolais, est monté en première ligne, avec dans sa besace trois cartouches de gros calibre. Il a réservé la première pour dénoncer les « allégations » de l’ambassadeur Zimeray. « Par ignorance ou conformisme, il rend effectivement la RDC coupable de crimes dont elle est en réalité la victime », a-t-il fustigé lors d’un point presse à Kinshasa.

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Pour Mende, « l’aggravation de la situation des droits de l’homme est due à l’action inconsidérée de pays occidentaux et notamment la France, qui contraignirent en 1994 [après le génocide au Rwanda, NDLR] les autorités congolaises à ouvrir leurs frontières aux forces négatives rwandaises qui sont à la base de ces atrocités ».

Deuxième acte de sa contre-offensive, Mende dément catégoriquement les accusations de HRW. Selon lui, une commission d’enquête au sein de l’armée congolaise « n’a confirmé aucun cas d’enrôlement d’enfants » dans le Nord-Kivu (est). Quant au cas Ntaganda, que Kinshasa refuse d’extrader à la CPI, Mende se borne à constater que « que depuis sa réquisition par les FARDC pour faciliter le désarmement de ses anciens camarades du CNDP, Ntaganda n’a fait l’objet aucune plainte crédible pour recrutement d’enfants, dont personne n’a dit qu’ils étaient orphelins ».

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Obama "victime de ceux qui manipulent l’opinion"

Enfin, le porte-parole a jugé « totalement injustifiée » la décision américaine de retirer la RDC de la liste des pays bénéficiaires de l’Agoa. « Ce qui est dit comme justification de cette mesure est totalement faux. Les forces armées (de la RDC) ne sont pas à mettre sur le même pied d’égalité que les groupes armés qu’elles combattent. Même lorsque nos garçons commettent des actes répréhensibles, ils sont poursuivis et condamnés », a-t-il expliqué.

« On inflige cet énième camouflet au gouvernement, à l’armée congolaise, alors que cinq de nos éléments sont tombés hier, les armes à la main, sous les balles des terroristes des groupes armés auxquels on les assimile […]. Quel cynisme de pouvoir les sanctionner comme auteurs des faits dont les FDLR (rebelles hutus rwandais) sont coupables ! », a conclu Mende. Précisant que le président Obama était « manifestement victime de ceux qui manipulent l’opinion ».

Problème : une nouvelle affaire a commencé à faire des vagues en RDC, toujours à l’est. Robert Shemahamba, journaliste de la radio privée Mitumba, émettant à Uvira, dans la province du Sud-Kivu (est), est détenu depuis vendredi par les services de renseignements. Son crime ? Avoir animé une émission intitulée Franc parler portant sur le dernier discours du président congolais, Joseph Kabila(Avec AFP)

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