WikiLeaks : ces inquiétants vestiges du nucléaire congolais

Face aux risques de vols et de trafics de matériel nucléaire, les Américains surveillent les anciens réacteurs congolais, selon un télégramme diplomatique publié par WikiLeaks.

Érosion à la Cité Mama Mobutu, proche du centre nucléaire de Kinshasa. © Moyogo

Érosion à la Cité Mama Mobutu, proche du centre nucléaire de Kinshasa. © Moyogo

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 22 décembre 2010 Lecture : 4 minutes.

Afrique : la bombe WikiLeaks
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Afrique : la bombe WikiLeaks

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Des réacteurs nucléaires dans un des pays les plus instables d’Afrique, des mines d’uranium plus ou moins abandonnés… La RDC a de quoi inquiéter les États-Unis, pour qui le trafic de matériels sensibles, à destination de l’Iran ou de groupes terroristes, est l’une des hantises.

Ayant longtemps été pionnier du nucléaire et de l’exploitation de l’uranium en Afrique, le Congo conserve en effet quelques installations sensibles. Et les Américains sont biens placés pour le savoir.

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Les bombes nucléaires d’Hiroshima et Nagasaki, avaient été fabriquées à partir d’uranium extrait de la mine de Shinkolobwe, au Katanga. Puis, en 1958, le Congo – encore Belge – est doté du premier réacteur nucléaire du continent, Triga I, à des fins de recherche civile. Désactivé en 1970, c’est un autre, Triga II, qui le remplacera deux ans plus tard avec des applications similaires

Ce dernier a certes « cessé de fonctionner en 1992 », comme le rappelle un télégramme daté du 8 septembre 2006 et publié par WikiLeaks dimanche, mais le site sur lequel il cohabite avec son prédécesseur contient encore 138 barres de combustible nucléaire faiblement enrichis rappellent les diplomates.

L’odyssée des barres de combustible nucléaire

Dans leur câble, en forme de rapport ils décrivent le Centre régional d’études nucléaires de Kinshasa (CREN-K) après l’avoir visité. Les Américains sont inquiets. À l’origine, 140 barres de combustible se trouvaient au CREN-K.

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« Deux d’entres elles ont été dérobées par des voleurs non-identifiés en 1998, rappelle l’auteur du télégramme. Les autorités italiennes ont retrouvé l’une des barres de combustible plus tard, aux mains de la mafia italienne à Rome, qui tentait de les revendre à des acheteurs non-identifiés du Moyen-Orient d’après des accusations. La seconde barre n’a jamais été retrouvée. »

Les quatre Américains, guidés par le professeur Fortunat Lumu Badimbayi-Matu, alors directeur du centre et du Commissariat général pour l’énergie atomique de la RDC (mais qui sera limogé l’année suivante) inspectent le site et tentent d’en évaluer la sécurité.

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Le bilan n’est pas brillant. « La clôture n’est pas éclairée la nuit, elle n’a pas de fil barbelé à son sommet, et elle n’est pas contrôlée par de la vidéosurveillance. » Plus grave : « Il y a de nombreux trous dans la clôture, et de larges espaces où elle est totalement manquante. » Ce qui permet aux étudiants de l’université de Kinshasa de « franchir fréquemment la clôture pour couper à travers le CREN-K ».

Les Américains détaillent les effectifs dédiés à la sécurité, composés d’hommes « âgés » qui « manquent de formation » et dont « certains sont pris en train de dormir pendant leur travail ». Par ailleurs, « aucun des bâtiments » du site, « n’a de verrou sophistiqué, d’alarme anti-intrusion, de détecteur de mouvement ou de système de vidéosurveillance ».

Autre « risque substantiel » identifié par les Américains : « environ 180 personnes travaillent » sur le site, et leurs salaires s’échelonnent entre « 40 et 150 dollars par mois ». « Payer un des employés » pour « voler du matériel nucléaire » est ainsi jugé « faisable ».

Déchets nucléaires

De plus, les barres de combustible nucléaire ne sont pas les seules matières sensibles stockées sur le site. Des déchets radioactifs sont aussi stockés dans « 50 bidons » abrités dans un bâtiment dont la seconde porte, en métal, « peut-être escaladée ».

Détail scabreux : des « fermiers font pousser du manioc » près de ce bâtiment, et leurs récoltes contiennent « des niveaux élevés de radiation » d’après un relevé effectué par un employé de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)  en mars 2006.

Conclusion des Américains : « Il est impératif que la communauté internationale trouve un moyen d’aider à sécuriser le site, même si le gouvernement de RDC ne veut pas abandonner ses barres de combustible. »

Interrogé par jeuneafrique.com, le ministre congolais de la Communication, Lambert Mende, a reconnu ne pas avoir connaissance de ce télégramme, mais s’est dit en mesure d’affirmer que les choses avaient « sensiblement évolué » depuis.

« 2006, c’est l’année de notre avènement au pouvoir après les élections. Effectivement il y avait à l’époque beaucoup d’inquiétudes sur ces installations, a-t-il reconnu. Mais depuis, nous avons mis à disposition les budgets nécessaires pour régler ces problèmes. » Soulignant notamment la question de la stabilisation du terrain, qui n’est pas évoquée dans le télégramme.

« Nous travaillons maintenant avec l’AIEA, qui fait des visites deux fois par an. La dernière a eu lieu il y a quatre ou cinq mois, et je ne crois pas qu’elle ait signalé de problèmes », a-t-il ajouté.

La RDC ne compte pas renoncer à ses installations nucléaires. « Nous avons l’ambition de poursuivre la recherche, qui a permis des avancées dans le domaine médical, et même de permettre à ces installations de recouvrer leur fonctionnement optimal », assure Lambert Mende. « Les États-Unis, avec qui nous venons de signer un accord, en ont été informés et l’ont compris. »

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