L’investiture d’Alpha Condé, ou la naissance d’une nouvelle démocratie
Le nouveau président guinéen Alpha Condé a prêté serment aujourd’hui à Conakry. Une investiture historique qui permet de tourner une sombre page de 50 années de dictatures civiles et militaires.
Avec l’investiture d’Alpha Condé, ce 21 décembre à Conakry, c’est l’an I de la démocratie guinéenne qui commence, six semaines seulement après la première élection libre de l’histoire du pays. Non que l’opposant historique, 72 ans, soit le seul à féliciter pour une situation pleine d’autant de défis que de promesses. Si la Guinée peut aujourd’hui raisonnablement se montrer fière d’elle-même et donner des leçons à sa voisine déchirée, la Côte d’ivoire, c’est d’abord parce que Cellou Dalein Diallo a su prononcer des mots historiques dont certains autocrates feraient bien de s’inspirer.
« L’attachement à la paix et à la Guinée une et indivisible nous commande d’étouffer notre frustration et nos souffrances pour rester calme et serein et d’éviter toute forme de violence. La victoire et la défaite sont constitutives de la vie, comme nous l’enseigne la religion », avait déclaré Diallo, issu d’une famille d’imams du Foutah Djallon (Moyenne-Guinée). « Contenons notre amertume électorale par la légitime fierté de représenter, malgré les fraudes et les répressions, près de la moitié des suffrages validées », avait-il conclu. Depuis, Diallo a choisi de travailler dans l’opposition. En déplacement à l’étranger, il n’était pas présent à l’investiture de Condé.
Treize chefs d’État
Au moins 13 chefs d’État africains en exercice ont fait le déplacement pour la cérémonie d’investiture qui a débuté peu avant 13h30 (locales). Parmi eux, les présidents des États voisins, le Bissau-Guinéen Malam Bacai Sanha, le Sénégalais Abdoulaye Wade, la Libérienne Ellen Johnson Sirleaf, le Sierra-Léonais Ernest Koroma et le Malien Amadou Toumani Touré. Étaient également présents le président burkinabè Blaise Compaoré, qui a joué un rôle de médiateur dans la crise guinéenne, le Gambien Yahya Jammeh, le Sud-africain Jacob Zuma, le Congolais Denis Sassou Nguesso, le Cap-Verdien Pedro Pires, le Togolais Faure Gnassingbé, le Béninois Boni Yayi, ainsi que le chef de la junte au pouvoir au Niger, le général Salou Djibo. La France, prête à annoncer « un renforcement de la coopération française en Guinée », selon Paris, était représentée par son ministre de la Coopération, Henri de Raincourt.
Condamné à mort sous le régime du président à vie Ahmed Sékou Touré (1958-1984), Condé avait ensuite été emprisonné pendant plus de deux ans sous le règne du général Lansana Conté (1984-2008). Ironie de l’histoire : c’est justement devant le magistrat qui l’avait fait condamner en 2000 à cinq ans de réclusion criminelle « pour atteinte à la sûreté de l’État » – l’actuel président de la Cour suprême Mamadou Sylla – qu’Alpha Condé va prêter serment, au Palais du peuple.
"Retour à l’ordre constitutionnel"
Alpha Condé doit d’abord mettre en place un « gouvernement d’union nationale » qui regroupera, selon lui, « toutes les composantes de la nation ». Puis fixer une date pour les élections législatives et mettre en place une « conférence vérité-réconciliation afin que les Guinéens se disent les vérités » sur les crimes commis depuis l’indépendance. Et « réformer l’armée », pléthorique, qui absorbe un tiers du budget de l’État.
Dans un décret publié lundi soir, le général Konaté a indiqué que la transition était finie et que l’investiture de Condé marquait « le retour à l’ordre constitutionnel ». Le nouveau président promet « un changement radical des pratiques de gouvernement après 50 ans de dictatures ». Une nouvelle page de l’histoire de la Guinée s’ouvre. (Avec AFP)
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