Nouvelle journée de marches de protestation contre le régime Gbagbo

La répression meurtrière de jeudi contre les marches pacifiques organisées en faveur du président élu Alassane Ouattara, ont fait au moins vingt morts, selon le camp du président sortant Laurent Gbagbo. Pour aujourd’hui, le mot d’ordre est maintenu, Guillaume Soro ayant appelé à s’emparer pacifiquement de la RTI et de la Primature. Au risque de nouvelles violences meurtières.

Manifestants pro-Ouattara réprimés par les forces du camp Gbagbo, dans le quartier d’Abobo. © AFP / Sia Kambou

Manifestants pro-Ouattara réprimés par les forces du camp Gbagbo, dans le quartier d’Abobo. © AFP / Sia Kambou

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 17 décembre 2010 Lecture : 4 minutes.

Le Premier ministre Guillaume Soro ne dévie pas de son objectif. Alors que son gouvernement n’a toujours pas pu sortir de l’hôtel du Golf où il est retranché (sous la protection de quelque 800 Casques bleus désormais), il appelle à une nouvelle journée de marches pacifiques en faveur du président élu Alassane Ouattara, malgré la très violente répression des manifestants hier par les forces fidèles au président sortant Laurent Gbagbo.

« Demain nous irons à la RTI et la Primature [siège du gouvernement]. Nous demandons aux populations de se tenir prêtes à engager le combat pacifique pour une Côte d’Ivoire démocratique », a déclaré Soro hier en fin de journée.

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« Le président [Ouattara] me charge de lancer un appel à la population ivoirienne de garder la sérénité. La marche pour une Côte d’Ivoire démocratique connaît des entraves et des obstructions, mais cela ne doit pas annihiler notre abnégation, notre détermination à faire en sorte que la démocratie soit dans notre pays », a-t-il ajouté. Avant de conclure : « C’est pourquoi le gouvernement décide de maintenir les objectifs initiaux de notre marche pacifique. »

Le camp Gbagbo silencieux

Aucune réaction officielle n’est en revanche parvenue du camp Gbagbo, qui s’interroge vraisemblablement sur le fait de durcir la répression ou pas, alors que ni la légitimité ni le droit ne sont de son côté.

Le bilan provisoire de la journée de jeudi est d’au moins neuf tués parmi les civils à Abidjan, selon Amnesty international, et de 80 blessés selon la Croix rouge. Mais beaucoup plus selon les états-majors des partis politiques : « une trentaine de morts et 110 blessés », selon le camp Ouattara (dont deux soldats des Forces nouvelles, FN), et au moins 20 tués selon le camp Gbagbo (dont 10 membres des forces de l’ordre). Signe que les combats faisaient rage, une roquette a même touché l’enceinte extérieure de l’ambassade des États-Unis, sans faire de victimes.

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Qu’en sera-t-il de la journée d’aujourd’hui ? Le bilan sera-t-il plus lourd ? Laurent Gbagbo saura-t-il raison garder et reconnaîtra-t-il enfin la victoire d’Alassane Ouattara à l’élection présidentielle du 28 novembre, comme toute la communauté internationale l’y invite ? Las, cette dernière hypothèse paraît peu vraisemblable.


Carte de localisation des affrontements meurtriers du 16 décembre en Côte d’Ivoire.
© AFP

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Exactions des forces pro-Gbagbo

Selon Amnesty International, citant des témoins, les forces de l’ordre fidèles à Laurent Gbagbo se seraient rendues coupables jeudi d’exactions et d’assassinats, ouvrant parfois le feu sans raison apparente sur des personnes sans défense. Et rien ne permet de dire qu’elles changeront de stratégie aujourd’hui.

L’ONG explique que les manifestants « marchaient de différents endroits » d’Abidjan (essentiellement, des communes de Treichville, Abobo, Adjamé, NDLR) « pour tenter de prendre la radio-télévision d’État […] quand les forces de sécurité ont ouvert le feu à bout portant ». Amnesty précise que six manifestants ont été tués dans le quartier d’Abobo et trois dans celui d’Adjamé (nord) par les Forces de défense et de sécurité (FDS), fidèles à Gbagbo.

Mais la répression menée par le gouvernement Gbagbo (dont le Premier ministre est Gilbert Marie N’Gbo Aké) ne se limitait pas à Abidjan. Á Yamoussoukro (centre), sept personnes ont été blessées par balles lorsque les forces de l’ordre fidèles à M. Gbagbo ont dispersé une manifestation de partisans de M. Ouattara, ont indiqué des témoins. Mercredi, plusieurs personnes avaient déjà été blessées par balles à Yamoussoukro lorsque les FDS avaient dispersé une marche pro-Ouattara, selon des sources concordantes. Le nombre des morts n’est pas encore connu.

Nouveau choc sur la ligne de front Nord-Sud ?

Des troupes de FN font également mouvement vers le Sud. Ainsi, un nouveau choc entre les ex-rebelles  et les FDS est à prévoir sur l’ancienne ligne de front. Des combats à Tiébessou (centre) avec les forces loyales à Laurent Gbagbo – dont des mercenaire venus du Liberia, selon le camp Ouattara – ont fait au moins 27 blessés jeudi parmi les FN, selon des sources hospitalières, et une vingtaine de tués selon le camp Ouattara.

Alors que la France appelait à la retenue, les États-Unis ont quant à eux accentué d’un cran leur pression sur le camp Gbagbo. Celui-ci dispose d’un « laps de temps limité » pour céder le pouvoir et il en est conscient, a affirmé jeudi un haut responsable américain. Rappelant les menaces américaines de sanctions contre Gbagbo et sa famille, il a assuré de manière sibylline avoir « des raisons de penser qu’il [Gbagbo, NDLR] reçoit le message ».

De son côté, le Conseil de sécurité de l’ONU a mis en garde les auteurs de crimes contre des civils, soulignant qu’ils seront tenus pour responsables de leurs actes et « traduits en justice ». Enfin, l’Union européenne travaillait à finaliser une liste de 18 ou 19 noms (contre onze à l’origine), essentiellement des proches de Laurent Gbagbo, qui seront l’objet de sanctions comme un gel d’avoirs et des restrictions de visas. Le placement de Gbagbo lui-même sur cette liste faisait encore débat jeudi, l’Allemagne souhaitant qu’il y figure – contrairement à la France notamment. (Avec AFP)

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