Alcide Djédjé : « Gbagbo est ouvert à toute négociation »
Chef de la diplomatie du gouvernement de Laurent Gbagbo, Alcide Djédjé, s’est entretenu avec Jeuneafrique.com sur la crise politique inédite en Côte d’Ivoire et sur les conditions de la médiation. Interview.
Jeuneafrique.com : La situation en Côte d’Ivoire semble totalement bloquée aujourd’hui. Quelle analyse en faites-vous ?
Alcide Djédjé : Nous sommes dans une situation où la Côte d’Ivoire est bloquée. Une situation qui était prévisible. En mars 2010 aux Nations unies, le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, Young-jin Choi, avait insisté sur la nécessité de respecter le couple « réunification-élections ». Le même jour, j’avais dit qu’il ne fallait pas faire des élections un dogme, mais qu’il fallait chercher la paix et la réconciliation en Côte d’Ivoire, notamment à travers le désarmement de la rébellion. Aujourd’hui, l’on revient à la case départ, voire plus en arrière. La communauté internationale a obtenu des élections à marche forcée, et on est dans une situation encore pire qu’avant. Il fallait peut-être cela pour que tout le monde admette que nous avions raison de dire qu’il fallait aller aux élections après le désarmement et la réunification.
Vous avez été le premier à évoquer des efforts de médiation à venir, menés par l’Union africaine. Qui en est à l’origine, et quel est le format retenu ?
C’est l’Union africaine qui a fait des propositions, à travers le président de la Commission. Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, soutient l’initiative. Bientôt, nous connaîtrons les personnalités africaines choisies pour mener les négociations. Le format n’est pas encore connu, c’est sur le principe que nous nous sommes prononcés. Le président Gbagbo avait déjà dit qu’il était ouvert à toute initiative de médiation.
Qu’en est-il de la médiation de Thabo Mbeki, l’ancien président sud-africain ?
Thabo Mbeki est venu en Côte d’Ivoire comme envoyé spécial de l’Union africaine, chargé de rédiger un rapport. Il a fini son travail. Il se peut qu’il fasse partie d’un groupe de personnalités africaines qui engageront des pourparlers. Lors de son dernier séjour, il a rencontré la Commission électorale indépendante (CEI), le Conseil constitutionnel, le président Gbagbo, le Premier ministre Alassane Ouattara… Maintenant, les choses sont différentes. Il y a eu entretemps de nombreuses prises de position, des sanctions ont été annoncées. Et on est dans l’impasse. Toutes ces pressions n’ont servi à rien. Parce que nous sommes en face d’un problème de souveraineté. Et avec la souveraineté, on ne badine pas.
Qu’est-ce qui est, de votre point de vue, négociable ? Et qu’est-ce qui ne l’est pas ?
Il est acquis que tous ceux qui viendront négocier le feront avec le président Gbagbo en tant que président élu. Puisque c’est ça, le respect des institutions ! La règle internationale n’est pas de bafouer les institutions, les lois et règlements d’un pays membre des Nations unies. On ne peut pas, parce qu’on fait partie du club des nations les plus puissantes, valider une manipulation électorale faite en dehors de la règle de droit et en poser le résultat comme base de négociation. Quant à ce qui peut faire l’objet de discussions, on verra.
Que pensez-vous des efforts de dialogue entrepris par l’Église catholique et le nonce apostolique ?
C’est une initiative louable. Elle est la bienvenue. Les guerres les plus violentes se sont soldées par des négociations. On ne peut pas se battre indéfiniment.
Les ambassadeurs de Côte d’Ivoire auraient des problèmes dans certains pays qui reconnaissent Alassane Ouattara comme président…
Cela n’a été notifié par écrit qu’à notre ambassadeur à Bruxelles. Nous avons répondu que pour l’instant, il n’y avait qu’un seul chef d’État en Côte d’Ivoire : Laurent Gbagbo. Et que nous n’avons nommé ni nouvel ambassadeur, ni chargé d’affaires par intérim en Belgique ou auprès de l’Union européenne.
La BCEAO, dit-on, pourrait ne pas reconnaître la signature de votre gouvernement et geler vos opérations…
Ce n’est pas vrai. La BCEAO travaille normalement, la Côte d’Ivoire fait ses opérations avec cette institution comme d’habitude. Elle est un organe technique de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et les chefs d’État ne souhaitent pas qu’elle soit politisée.
Vos adversaires accusent votre camp de préparer la guerre en recrutant des mercenaires au Liberia.
Nous, ce que nous apprenons est que Mabri Toikeusse [ministre du gouvernement Ouattara] recrute des mercenaires au Liberia. Quant à nous, nous n’avons rien entrepris de tel.
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