WikiLeaks : de Robert Bourgi et la Françafrique

En Afrique centrale, les mémos diplomatiques révélés par le site WikiLeaks s’articulent autour du thème majeur de la Françafrique. En plus des noms des présidents Bongo, Sassou Nguesso, Obiang Nguema ou encore Paul Biya, cités à différents titres, Robert Bourgi y est aussi mentionné comme une personnalité importante de la scène « françafricaine ».

Nicolas Sarkozy au sommet Afrique-France, en juin 2010 à Nice. © AFP

Nicolas Sarkozy au sommet Afrique-France, en juin 2010 à Nice. © AFP

Clarisse

Publié le 13 décembre 2010 Lecture : 3 minutes.

Afrique : la bombe WikiLeaks
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Françafrique

À la lecture des notes diplomatiques recueillies par WikiLeaks, il apparaît que les Américains se sont particulièrement intéressés aux relations entre l’Afrique et la France. Saluant la politique de « rupture » annoncée par Nicolas Sarkozy, ils s’interrogent aussi sur les raisons de la longévité de la Françafrique. Des noms et des pays sont évoqués dans ce cadre, dont celui de Denis Sassou Nguesso, le président du Congo-Brazzaville. Ancien Monsieur Afrique de la présidence française, Bruno Joubert s’expliquait ainsi devant les diplomates américains, qui ont consigné ses propos : « Beaucoup de leaders africains comme Sassou Nguesso ont grandi avec la Françafrique. Quand ils rencontraient Chirac, ce n’était que tapes dans le dos, plaisanteries, longs repas. » Et de poursuivre : « Ils commencent à s’apercevoir qu’avec Sarkozy, le temps des tapes dans le dos est révolu. »

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Réalistes, les diplomates américains constatent que « tuer la Françafrique est plus facile à dire qu’à faire ». Ils soulignent que certains leaders africains eux mêmes sont réticents au changement, notamment ceux qui, comme le rappelle l’ambassade américaine à Paris, « ont pu amasser des fortunes privées parfois transformées en un vaste patrimoine immobilier et autre, en France et en Europe ». Allusion plus qu’évidente à l’affaire des biens mal acquis, qui outre le Congo-Brazzaville implique la Guinée équatoriale, le Gabon et le Cameroun. Yaoundé étant par ailleurs très régulièrement épinglée par les diplomates américains, entre 2006 et 2010, pour sa politique en matière de corruption et son laxisme présumé vis-à-vis des détourneurs de fonds, entre autres.

Robert Bourgi

Conseiller officieux pour l’Afrique de Nicolas Sarkozy, Robert Bourgi ne laisse pas les Américains indifférents, loin s’en faut. Pour eux, il est la « quintessence de l’acteur de la Françafrique impliqué dans des intrigues n’importe où en Afrique ».

Selon les télégrammes diplomatiques, ses interventions exaspèrent ses collègues africanistes officiels de l’Élysée. S’ils admettent que l’homme fournit de précieux conseils sur le Sénégal, le Gabon ou le Congo-Brazzaville, ils le présentent également comme un « mercenaire seulement préoccupé par son bien-être ». Un « opportuniste » dont le premier objectif est de faire sa promotion en vue de son enrichissement personnel. En clair, Robert Bourgi en fait trop.

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En poste lui aussi à l’Élysée, Romain Serman révèle ainsi aux Américains que Robert Bourgi « était la source de la fuite dans la presse annonçant la mort de Bongo avant que les Gabonais n’aient pris les dispositions pour l’annoncer eux-mêmes. Une fuite qui a mis en colère la famille de Bongo ». Serman précise que « Sarkozy était d’autant plus mécontent de cette fuite qu’elle a été attribuée au gouvernement français ».

Accords de coopération militaire

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Quand la France est évoquée dans les mémos américains, c’est souvent par rapport à ses relations avec l’Afrique. « L’essentiel des efforts de la France pour renforcer ses capacités dans le monde est concentré sur l’Afrique », constate un télégramme de février 2006. Et fort logiquement, la décision de Nicolas Sarkozy de supprimer certaines bases militaires en Afrique, et de renégocier les accords de défense interpelle. Pour ces diplomates américains, l’analyse est simple : les Français veulent « partager le fardeau africain ». Et cela les rend plus ouverts aux initiatives américaines sur le continent, d’Africom à la lutte antiterroriste dans le Sahara.

En plus, estiment-ils, laisser les États-Unis étendre leur influence en Afrique permet aux Français d’y contrer la percée chinoise. Au passage, les diplomates raillent l’obligation d’intervention de la France en cas de conflit armé dans ses anciennes colonies. De même que les contrats d’exclusivité en matière d’exploitation des ressources minières et des matières premières des nouveaux indépendants.

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Ci-dessous vous pouvez retrouver les câbles diplomatiques cités dans cet article :

1. http://cablesearch.org/cable/view.php?id=09PARIS1534&hl

2. http://cablesearch.org/cable/view.php?id=09PARIS848&hl

3. http://cablesearch.org/cable/view.php?id=08PARIS1501&hl

 

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