Côte d’Ivoire : l’enfer ce n’est pas les autres

La tension reste forte dans les rues, ici des jeunes Ivoiriens pro-Ouattara, le 6 décembre. © AFP

La tension reste forte dans les rues, ici des jeunes Ivoiriens pro-Ouattara, le 6 décembre. © AFP

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  • Tshitenge Lubabu M.K.

    Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.

Publié le 9 décembre 2010 Lecture : 2 minutes.

Le premier week-end de ce mois de décembre, je me suis retrouvé chez un ami qui fêtait ses 40 ans. L’ambiance détendue montrait l’existence de ces bonheurs simples. Comme le fait de boire une bière, un verre de vin, de savourer du bar sénégalais à la banane frite, du ndolé camerounais, des brochettes de bœuf (prononcez bœu, je n’y peux rien !) ou du sanglier.

Bonheur simple aussi que ce bikutsi, rythme saccadé qui demande beaucoup d’adresse aux danseurs et réveille les sens. Pendant que j’admire les prouesses des danseurs (je m’y suis essayé moi-même sans aucune réussite), un homme plus jeune que moi, l’esprit tout à fait lucide malgré les litres d’alcool qui sont passés par son gosier, s’approche. Et il m’interroge : « Que penses-tu de la situation en Côte d’Ivoire ? » Je lui réponds tout de go : « C’est lamentable ! » Il continue : « Les Occidentaux veulent imposer Ouattara au peuple ivoirien ! » Je dis : « Ouattara a remporté la présidentielle. » « Non, c’est Gbagbo », rétorque-t-il. Mais comme l’aube avançait à grands pas et que la compagne du monsieur était pressée de rentrer, nous sommes convenus de reprendre cette discussion plus tard. 

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Je sais déjà ce que je dirai à ce monsieur la prochaine fois. Je lui rappellerai qu’il est faux de penser qu’ « en Afrique on n’organise pas une élection pour la perdre », comme l’aurait dit l’ancien président du Gabon, Omar Bongo Ondimba. En Zambie, au Malawi, en Centrafrique, au Bénin, à Sao Tomé e Principe, au Congo-Brazzaville, au Kenya, par exemple, des chefs d’État en exercice ont perdu des scrutins et se sont inclinés. Qu’il est absurde de croire que « les Africains ne sont pas prêts pour la démocratie », n’en déplaise à l’ancien président français Jacques Chirac. La démocratie est un processus, pas un prêt-à-porter.

Âme panafricaine volage

Le problème est simple : certains de nos leaders se comportent non pas en hommes d’État, mais en bandits. Je le mettrai en garde contre tous les vendeurs de vent, tous les apprentis sorciers aliénés jusqu’à la moelle qui, au quotidien, mangent dans la main de l’Occident, jurent par l’Occident, leur modèle absolu. Mais quand ça les arrangent, quand leurs intérêts égoïstes sont menacés, ils insultent le père et la mère de l’Occident. Et se découvrent une âme panafricaine.

En Côte d’Ivoire, l’Occident se mêle de ce qui le regarde : il a mis son argent dans l’organisation des élections. Doit-il se taire lorsqu’il y a forfaiture ? Dans ce cas-là, il ne fallait pas accepter son argent ! Et puis, comment peut-on accuser l’ONU d’ingérence alors que l’accord de Pretoria lui reconnaît le droit de certifier les résultats des élections ? Elle l’a fait et on connaît le vainqueur : Ouattara. 

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Je dirai au jeune homme que l’attitude du camp qu’il défend n’honore pas l’Afrique. Instaurer un couvre-feu en plein second tour ne se justifiait pas. Le bâillonnement de la commission électorale était programmé. Tout comme l’annulation des votes dans sept régions, la proclamation de la victoire du président sortant et sa prestation de serment précipitée. Fouler aux pieds les règles du jeu n’est pas une preuve de démocratie. Ce n’est pas en trouvant des boucs émissaires en Occident que l’Afrique s’en sortira. Ma grand-mère disait : « Celui qui a tort doit être conseillé en public. »
 

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