La crise ivoirienne inquiète les milieux économiques
Après les observateurs politiques, c’est au tour des milieux économiques de manifester leurs inquiétudes sur les répercussions de la crise ivoirienne qui voit le pays dirigé par deux présidents proclamés au lendemain du second tour de l’élection présidentielle.
Les milieux économiques commencent à manifester les premiers signes publics d’inquiétude concernant la crise en Côte d’Ivoire. Où le pouvoir est divisé de fait entre le président sortant Laurent Gbagbo qui ne veut pas reconnaître sa défaite électorale et le président élu Alassane Dramane Ouattara. Souvent, les entreprises ne sont pas très obsédées par la nature démocratique ou non des gouvernements avec lesquels elles font des affaires… Mais l’instabilité potentielle du pouvoir les préoccupe : il faut miser sur le bon cheval. Et c’est là que le bât blesse…
Le pays représente à lui seul près de 40 % du PIB de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), possède d’importantes réserves pétrolières et totalise 40 % des exportations mondiales de cacao dont il est le premier producteur mondial. Mais avec la conjoncture incertaine, le ralentissement économique est inévitable et ses effets redoutables. Mécaniquement, c’est la population qui paiera, encore une fois, les effets de la crise politique.
Les experts craignent d’abord les effets d’éventuelles sanctions internationales. Les investisseurs sont dans la plus complète expectative. « Ce qu’ils n’aiment pas, c’est moins le pouvoir en place que l’incertitude autour d’un pouvoir dont on ignore s’il est légitime, crédible et stable », note Philippe Hugon, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).
L’appel à la BCEAO
Les institutions internationales ayant un poids économique lourd, qui ont vivement dénoncé le coup de force institutionnel de Laurent Gbagbo sont légion : Fonds monétaireinternational (FMI), Banque mondiale (BM), Banque africaine de développement (BAD), Union européenne (UE), Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao)…
Ne manque plus que la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), à laquelle Alassane Ouattara a écrit pour demander que seule la signature de son ministre de l’Économie et des Finances, Charles Diby Koffi, soit reconnue. Celle-ci devrait suivre la position de la Cedeao, qui a fermement condamné le coup d’État électoral de Laurent Gbagbo. Encore faudrait-il qu’elle réunisse un nouveau sommet des chefs d’État et de gouvernement pour acter cette décision.
Dès lors, que ferait Laurent Gbagbo ? Essaiera-t-il de sortir du système du franc CFA, comme l’y pousse son nationalisme à fleur de peau ? C’est une des solutions envisageables… Mais mise en œuvre hâtivement et dans les conditions actuelles, elle pourrait précipiter le sud de la Côte d’Ivoire dans une crise économique sans précédent… Et aboutir à l’effet inverse recherché : une « dollarisation » ou une « euroisation » des échanges…
Dès dimanche, la Banque mondiale et la BAD ont d’ailleurs manifesté d’une seule voix leur « grande inquiétude ». La crise « fera tomber beaucoup plus d’Ivoiriens dans la pauvreté et causera du tort à la stabilité et à la prospérité économique de l’Afrique de l’Ouest », ont-elles averti.
Sanctions des bailleurs de fonds
Outre le gel des nouveaux investissements et peut-être le retrait possible de nombreuses entreprises (dont 600 françaises avec 15 000 Français ou binationaux vivants dans le pays), c’est aussi la suppression de l’aide internationale qui pourrait fragiliser l’économie. En jeu notamment : les 254,7 millions d’euros d’aide au développement promis par l’UE pour les prochaines années et plus de 740 millions de dollars de projets soutenus par la Banque mondiale.
Pour Philippe Hugon, de l’Iris, Alassane Ouattara « aurait pu mobiliser les bailleurs de fonds internationaux, réaliser ses grands projets d’investissements et renégocier sans trop de difficultés la dette ivoirienne. Mais dans le cas présent, on peut s’attendre au contraire à ce que la dette ne soit pas renégociée, à des mesures d’embargo ou de réduction des aides et des financements du FMI, de la Banque mondiale ou de l’UE ». Une situation que redoute particulièrement le patronat ivoirien.
Dans un communiqué du 7 décembre, la Confédération générale des entreprises ivoiriennes (CGEI) dirigée par Jean Kacou Diagou a tiré la sonnette d’alarme, déclarant que le pays courait « inéluctablement à la catastrophe ». (Avec AFP)
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