Débat télévisé : Gbagbo et Ouattara font retomber la pression
Lors du débat télévisé sur la RTI, jeudi soir, les deux candidats à l’élection présidentielle Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara (ADO) n’ont pas « cherché palabre ». Bien loin du choc brutal auquel on s’attendait, la rencontre a été pleine de courtoisie et de respect mutuel.
À la fin de leur « duel » télévisé, les deux finalistes de l’élection présidentielle ivoirienne se donnent une chaleureuse accolade à l’africaine. Cette image illustre bien l’atmosphère cordiale qui a prévalu lors du débat Gbagbo-Ouattara, qui se déroulait dans une atmosphère rompant avec la vive tension ponctuée d’affrontements entre partisans des deux hommes ces derniers jours, lesquels ont fait un premier mort dans l’ouest ivoirien hier.
Les téléspectateurs ivoiriens, qui s’attendaient à de rageuses polémiques et à des accusations réciproques, ont plutôt vu un débat à fleurets mouchetés entre deux monstres sacrés de la scène politique de leur pays. Chacun est venu avec sa stratégie. Le candidat du Front populaire ivoirien (FPI), Laurent Gbagbo, s’est évertué à incarner à fond la fonction présidentielle face à un candidat du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP, opposition), Alassane Dramane Ouattara (ADO), qu’il a appelé systématiquement « monsieur le Premier ministre ».
Gbagbo a annoncé sur le plateau des décrets qu’il prépare, notamment sur l’instauration d’un couvre-feu dès dimanche dans la nuit, laissant son adversaire s’étonner de n’avoir pas été informé par avance. L’ancien Premier ministre d’Houphouët a tenté de réagir en rappelant au chef de l’État qu’ils se tutoyaient tous les deux et s’appelaient « Alassane » et « Laurent » loin des plateaux de télévision.
Propositions originales
Ouattara a joué à fond la carte du réformateur s’indignant de la présence des « margouillats » (intermédiaires véreux) autour du Palais de justice. « Je suis économiste, faites-moi confiance et je résoudrai les problèmes économiques du pays », a-t-il demandé aux Ivoiriens. « Diriger, c’est avoir le sens de l’État. Les grands chefs d’État n’étaient pas des économistes », a rétorqué Gbagbo, invoquant De Gaulle, Mitterrand… et Houphouët-Boigny, médecin de formation.
Sur la forme, Ouattara, visiblement plus préparé aux prestations télévisées de ce type, a mieux exploité son temps de parole, en faisant un meilleur usage qu’un Gbagbo souvent distrait, qui a plus d’une fois cherché un mot ou un nom. Sur le fond, Gbagbo s’est employé à donner des exemples concrets, évoquant dans le détail les régions du pays, leurs richesses et ses projets pour elles. Au chapitre des propositions originales, Ouattara a parlé d’une commission d’enquête sur les origines des coups d’État et de rébellion. Gbagbo, de son côté, a promis un audit de tous les ministères du pays pour mieux comprendre comment l’argent public a été géré durant ces dernières années.
Les polémiques sur le passé récent – la paternité de la rébellion, le coup d’État de décembre 1999, l’élection présidentielle d’octobre 2000 – ont été certes évoquées par les deux candidats, mais se sont très vite épuisées, le format de l’émission n’encourageant pas le « ping-pong » verbal sur les mêmes sujets. Au final, ce débat historique a eu le mérite de décrisper l’atmosphère avant le duel de dimanche. Les effets se sont fait ressentir très vite sur Facebook : les internautes des deux camps ont créé une page spéciale pour diffuser des messages de paix.
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