« Le goût de… » ou le voyage à travers la littérature

Beau produit ou concept vendeur, « Le goût de… » est une collection qui marche. Inaugurée en 2002 et publiée par les éditions Mercure de France, elle est consacrée initialement aux villes et aux pays qui ont inspiré les écrivains à travers les siècles. Dernier en date, « Le goût de l’Île Maurice » ne fait pas exception à cette démarche.

Détail de la couverture de « Le goût de l’île Maurice » (éd. Mercure de France). © D.R.

Détail de la couverture de « Le goût de l’île Maurice » (éd. Mercure de France). © D.R.

Publié le 18 novembre 2010 Lecture : 3 minutes.

Depuis son lancement il y a huit ans, la collection s’est enrichie de 115 titres, aux thématiques parfois élargies aux régions (le Périgord, la Haute-Provence, la Normandie, les îles grècques…), aux pays (la Birmanie, l’Inde, le Sénégal…) et parfois même à des sujets qui ne se réduisent plus « à un élément géographique, mais peuvent vagabonder d’un sport à un art culinaire, en passant par un animal, un concept… », comme l’explique l’argumentaire de l’éditeur. Aisément reconnaissables à leur petit format aux couvertures vives et colorées, ces volumes dépassent rarement une centaine de pages.

Signatures prestigieuses

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L’Île Maurice qui est le dernier titre* paru dans cette collection, est une excellente illustration de la logique et de l’esthétique de ces recueils. Après Tanger, Alger, Sénégal, Marrakech, Tunis et Abyssinie, Le goût de l’Ile Maurice est le septième titre dédié à un lieu en Afrique. Réunie par le journaliste Antoine de Gaudemar, cette anthologie mauricienne comporte une trentaine de textes aux signatures prestigieuses : de Bernardin de Saint-Pierre à Le Clézio, en passant par Darwin, Baudelaire, Conrad, Mark Twain, Dumas, Max-Pol Fouchet, Ananda Devi…

« Son histoire est récente, rappelle l’auteur du guide, six siècles à peine, pourtant elle est riche et mouvementée. Repérée par des navigateurs arabes il y a mille ans, redécouvertes par les Portugais, elle est restée inhabitée jusqu’au XVIe siècle […] Après l’abolition de l’esclavage en 1835 et jusqu’au début du XXe siècle, les Anglais déportent massivement des travailleurs indiens en principe volontaires, tandis que les anciens esclaves gonflent la population urbaine. Aujourd’hui, Maurice est un melting-pot de peuples et de couleurs de peau… »

C’est cette histoire tourmentée que retrace Antoine de Gaudemar, en s’attardant sur des thématiques qui ont marqué la psyché du peuple mauricien : de l’esclavage à l’indépendance, en passant par la colonisation, l’immigration, l’industrie sucrière et le métissage.

Le volume est réparti en trois rubriques « Voir Maurice », « Vivre Maurice » et « Rêver Maurice ». Organisés chronologiquement, les différentes parties convoquent l’image d’une île paradoxale, à la fois belle et romantique et en même temps théâtre de luttes acharnées pour la dignité humaine.

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Vestiges de l’esclavage

L’anthologie mauricienne s’ouvre sur un extrait particulièrement émouvant, tiré de Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre. Celui-ci séjourna dans l’île en 1763 pour y puiser la matière de son futur best-seller et se fit très mal voir pour ses positions anti-esclavagistes.

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Dans un style qui n’a rien perdu de son acuité ni de son mordant ironique, le romancier rappelle la réalité de l’esclavage. La cruauté extrême des supplices imaginés pour « contenir le peuple d’esclaves », l’hypocrisie des théologiens et des philosophes et, enfin, l’inconscience des peuples d’Europe dont la douceur de vivre est rendue possible par le travail des esclaves noirs dans les champs de canne et de coton de Maurice.

Baudelaire quant à lui a consacré plusieurs poèmes à ce pays, notamment son célèbre sonnet joliment intitulé À une dame créole, où le poète chante « le pays parfumé que le soleil caresse ».

Plus tard, nostalgique de cette île paradisiaque, il écrira : « C’était une terre magnifique, éblouissante. Il semblait que les musiques de la vie s’en détachaient en un vague murmure, et que des côtes riches en verdure de toute sorte s’exhalait, jusqu’à plusieurs lieues, une délicieuse odeur de fleurs et de fruits. »

Alors, l’Ile Maurice, paradis perdu ou enfer dans lequel perdure les vestiges de l’exploitation esclavagiste et le sous-développement ? L’anthologie d’Antoine de Gaudemar ne prend pas partie, se contentant d’inviter le lecteur à découvrir l’envers et l’endroit de « l’île arc-en-ciel ».

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* Le goût de l’île Maurice, textes choisis et présentés par Antoine de Gaudemar, Collection Le petit mercure, éditions Mercure de France, 126 pages, 6,60 euros.
 

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