Viktor Bout, l’homme qui en savait trop
Le présumé marchand d’armes Viktor Bout a été expulsé de Thaïlande et extradé vers les États-Unis. Au grand dam de la Russie, son pays d’origine, qui dénonce les pressions américaines et craint la divulgation de ses secrets militaires.
Près de deux années de bataille juridique et d’accrochages diplomatiques entre la Russie, la Thaïlande et les États-Unis auront finalement débouché sur l’extradition mardi 16 novembre vers New-York de Viktor Bout, célèbre trafiquant d’armes présumé, de nationalité russe, détenu depuis 2008 dans une prison à Bangkok.
Selon les autorités russes, il s’agit d’une « extrême injustice ». Le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov a estimé que cette décision était « illégale » et découlait de « pressions politiques sans précédent » exercées par les États-Unis sur la Thaïlande. Il a assuré Viktor Bout de l’appui de la Russie, promettant de le soutenir « par tous les moyens ». Il a par ailleurs prévenu que cet événement risquait d’entacher le rapprochement russo-américain initié ces dernières années et de compromettre les intentions de Barack Obama de « remettre à plat » les rapports entre les deux pays.
Secrets militaires
Selon les experts, Moscou est préoccupé par le fait que Bout détient des secrets militaires russes et certaines informations sur l’ex-KGB (les services secrets soviétiques). « Bout peut dire beaucoup trop de choses sur la manière dont il a participé au marché parallèle de vente d’armes », a déclaré Alexandre Konovalov, le président de l’Institut des évaluations stratégiques.
Alexeï Makarkine, du Centre pour les technologies politiques de Moscou, va dans le même sens. « Bout est quelqu’un qui connaît beaucoup de choses sur les contrats d’armement. […] Tous les acteurs [du marché de l’armement] ont des choses à cacher. Ce qu’il sait est très important pour les concurrents [de la Russie]. Il sait qui fait quoi sur le marché, il est au courant des opérations délicates. »
Bout, qui a hérité du surnom de « marchand de mort », avait usé en vain de tous les recours judiciaires avec le soutien de son pays pour éviter son extradition. La Thaïlande a affirmé que sa décision n’avait « pas de fondement politique ».
Entreprise légale
Viktor Bout, 43 ans, est un ancien officier de l’armée de l’air soviétique. Il est accusé par Washington d’avoir fourni des armes à des organisations terroristes de l’Amérique latine, du Moyen-Orient et d’Afrique. Il était détenu en Thaïlande depuis son arrestation dans un hôtel de luxe de Bangkok en mars 2008.
Son arrestation est intervenue après une opération d’infiltration de membres de la CIA, qui s’étaient fait passer pour des acheteurs agissant au nom des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc). Il se dit innocent et affirme être à la tête d’une entreprise de transport aérien parfaitement légale.
Selon l’acte d’accusation émis par la justice américaine, Viktor Bout a affirmé aux agents infiltrés qu’il pouvait leur fournir entre 700 et 800 missiles sol-air, 5 000 fusils d’assaut AK-47, des munitions, divers explosifs ainsi que des drones, qui devaient être utilisés contre des hélicoptères américains.
Prison à vie ?
« Viktor Bout a été inculpé aux États-Unis, mais ses activités présumées de trafic d’armes et de soutien à des conflits armés en Afrique sont un sujet de préoccupation dans le monde entier. Son extradition est une victoire pour l’établissement d’un état de droit à l’échelle de la planète », s’est félicité le ministre américain de la Justice, Eric Holder dans un communiqué.
Il doit comparaître mercredi devant le juge Shira Scheindlin. Il devra répondre à quatre chefs d’accusation, notamment pour avoir comploté en vue de tuer des citoyens américains et pour avoir fourni des ressources ou du matériel à une organisation terroriste étrangère. S’il est reconnu coupable, il est passible de la prison à vie.
Le prisonnier, dont le transfert s’est effectué sous très haute surveillance – commandos armées, tireurs d’élite et avion de la lutte antidrogue américaine – a été conduit dans une prison de haute sécurité à New-York. (avec AFP)
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