Le « Canard enchaîné » accuse Sarkozy d’espionner les journalistes gênants

Dans son édition du mercredi 3 novembre, l’hebdomadaire français « Le Canard enchaîné » accuse le chef de l’État Nicolas Sarkozy de s’occuper personnellement de la surveillance des journalistes travaillant sur des affaires gênantes pour l’Élysée.

Nicolas Sarkozy à New York le 20 septembre 2010. © AFP/Archives/Emmanuel Dunand

Nicolas Sarkozy à New York le 20 septembre 2010. © AFP/Archives/Emmanuel Dunand

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 3 novembre 2010 Lecture : 3 minutes.

Comme à son habitude, le Canard enchaîné n’y va pas de main morte. Mais dans son édition du mercredi 3 novembre, l’hebdomadaire satirique jette un pavé un peu plus gros que d’habitude dans la mare. Et soulève une vive polémique en France. Dans un article signé de son rédacteur en chef Claude Angeli, le journal  accuse Nicolas Sarkozy de superviser « personnellement » l’espionnage de certains journalistes chargés de la couverture de dossiers sensibles – au premier rang desquels l’affaire Woerth-Bettencourt.

Le Canard assure que « dès qu’un journaliste se livre à une enquête gênante pour lui ou pour les siens », le chef de l’Etat « demande » au patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, contre-espionnage), Bernard Squarcini de « le mettre sous surveillance ». Une allégation aussitôt qualifiée de « totalement farfelue » par l’Elysée. En d’autres temps, on aurait dit « abracadabrantesque »…

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Faits embarrassants pour l’exécutif

Mais l’hebdomadaire cite des sources anonymes au sein de la DCRI. Selon elles, « un groupe » aurait été monté afin de surveiller les journalistes gênants. Celui-ci serait composé de « plusieurs anciens policiers des RG », qui « se procurent les factures détaillées du poste fixe et du portable du journaliste à espionner ». Un qui rôle ne plairait pas vraiment à Bernard Squarcini, selon certains de ses proches collaborateurs cités sous le sceau de l’anonymat par le Canard. À la DCRI, on se défend de cibler les journalistes. Mais on ne nie pas s’occuper « éventuellement de leurs sources ».

Attaqué sur le bienfondé et la rigueur de son article, Claude Angeli persiste et signe. « Les sources du Canard sont bonnes et on ne se lance pas avec un titre comme ça sans biscuit », a-t-il déclaré à l’AFP. « Il est normal que Nicolas Sarkozy soit en colère, il est normal qu’il ait envie de savoir, mais de là à mettre le contre-espionnage pour connaître les responsables des rumeurs visant son couple ou pour rechercher qui s’intéresse un peu trop aux rétro-commissions du Pakistan, à l’affaire Woerth-Bettencourt », a-t-il soupiré ensuite sur RTL.

Dans son article, Angeli rappelle également un ensemble de faits dont la concomitance est très embarrassante pour l’exécutif. En moins de quinze jours, en octobre, des journalistes travaillant sur l’affaire Woerth-Bettencourt aux journaux Le Monde, Le Point et Mediapart ont subi des cambriolages sur leurs lieux de travail. Certains documents sensibles et des ordinateurs portables ont disparu. Peu avant, Le Monde avait déposé plusieurs plaintes à l’encontre de l’exécutif, après qu’un de ses journalistes a été mis sur écoute dans le but d’identifier l’un de ses informateurs… toujours dans l’affaire Woerth-Bettencourt.

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« Fils spirituel de Richard Nixon »

Suite aux attaques du Canard, dévoilées dès mardi, les réactions politiques n’ont pas tardé. Le porte-parole du gouvernement Luc Chatel est monté au créneau pour dénoncer des « allégations grotesques ». Réplique immédiate de l’opposition socialiste par la plume de la députée Aurélie Filippetti. Le président de la République doit s’« expliquer d’urgence » sur les révélations du Canard Enchaîné qui « sont une nouvelle fois très inquiétantes pour notre démocratie », écrit-elle dans un communiqué.

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« Le président de la République, qui semble-t-il se révèle le fils spirituel de Richard Nixon, [président américain impliqué dans le scandale des écoutes du Watergate, NDLR] doit parler et tourner le dos à ces pratiques honteuses », ajoute-t-elle. Une critique que les Verts ne désavouent pas. Leur secrétaire nationale Cécile Duflot estime même qu’une « commission indépendante doit au plus vite enquêter sur ces informations, ainsi que sur les cambriolages commis au Monde, au Point et à Mediapart ». L’hiver s’annonce chaud pour Nicolas Sarkozy. (Avec AFP)

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