Affaires Kieffer-Ghelber : le drôle de marché que le juge Ramaël a proposé à Abidjan

Lors de son séjour en Côte d’Ivoire du 3 au 13 octobre, le juge français Patrick Ramaël espérait faire avancer de front deux affaires datant de 2004 : celle de la disparition du journaliste Guy-André Kieffer et celle de l’enlèvement de l’avocat Xavier Ghelber. Mais il s’est heurté à la non-coopération de la justice ivoirienne.

Panneau de la campagne d’affichage pour Guy-André Kieffer, le 15 avril 2010, à Abidjan. © AFP

Panneau de la campagne d’affichage pour Guy-André Kieffer, le 15 avril 2010, à Abidjan. © AFP

Publié le 12 octobre 2010 Lecture : 3 minutes.

La Côte d’Ivoire et la France n’ont apparemment pas encore soldé tous les comptes du passé, malgré la visite éclair du secrétaire général de l’Élysée, le 3 octobre à Abidjan. Le même jour, juste après le départ de Claude Guéant, descendait d’avion le juge d’instruction français Patrick Ramaël. Qui ne se doutait pas que les magistrats ivoiriens lui refuseraient leur assistance.

En pleine précampagne pour l’élection présidentielle du 31 octobre, il venait pour exécuter une énième commission rogatoire internationale concernant deux affaires datant de 2004. Celle de la disparition du journaliste Guy André Kieffer et celle du bref rapt de l’avocat d’affaires parisien Xavier Ghelber, en mission d’audit sur la filière cacao pour le compte de l’Union européenne, enlevé par des hommes en armes à l’hôtel Ivoire d’Abidjan. Mais le juge Ramaël rentrera presque bredouille en France, lui qui espérait au moins conclure l’enquête sur la disparition de Guy-André Kieffer en avril 2004.

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« Réponse du berger à la bergère »

« C’est une réponse du berger à la bergère, confie un magistrat ivoirien proche du dossier. En août, des magistrats ivoiriens se sont déplacés à Paris pour exécuter une commission rogatoire visant à faire entendre deux officiels français [Nathalie Delapalme et Bruno Joubert, NDLR] dans le cadre de l’affaire Kieffer. Or le juge Ramaël a refusé de les assister : il les a nargués en leur demandant d’aller faire les soldes… »

Sur le terrain, les obstacles étaient nombreux et prévisibles avant que le juge Ramaël n’arrive. Le 4 octobre, celui-ci a fait passer un message à la présidence ivoirienne, qui a été vite perçu comme un chantage. Le « marché » qu’il proposait aux autorités consistait à le laisser emporter en France le corps de Kieffer, qu’il disait avoir « localisé » dans un cimetière en banlieue abidjanaise, en échange de sa promesse d’abandonner les charges retenues contre quatre gardes de corps du président ivoirien Laurent Gbagbo, incriminés dans l’enlèvement de Xavier Ghelber en novembre 2004.

Aussitôt, le 5 octobre, Rodrigue Dadié, l’avocat de la première dame Simone Gbagbo dénonçait depuis la résidence du chef de l’État les méthodes cavalières du juge français. Raymond Tchimou, le procureur de la République près du tribunal de première instance d’Abidjan, a quant à lui accusé Patrick Ramaël de se comporter comme « un shérif dans un western ».

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Abidjan accusé de blocage

Résultat : le juge français est coincé et n’a pas encore reçu la collaboration de ses collègues Koffi Kouadio et Cissé Loceni, en charge du dossier côté ivoirien, et qui, officiellement, sont indisponibles pour diverses raisons. En outre, le doyen des juges d’instructions, Joachim Gnakadjé, qui devrait nommer de nouveaux juges pour assister le magistrat français reste passif.

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À Paris, la famille de Kieffer et l’avocat Xavier Ghelber accusent la présidence ivoirienne d’être la cause de cet obstacle majeur dans la manifestation de la vérité. « Cette volonté du pouvoir ivoirien d’entraver la recherche de la vérité montre qu’il a manifestement quelque chose à se reprocher », accuse Me Alexis Gublin, l’avocat de la famille Kieffer. « Le peu de coopération de la justice ivoirienne laisse penser qu’elle ne souhaite pas que la lumière soit faite sur cette affaire », déclare de son côté  Me Lévy, qui représente Patrick Ghelber.

Quoi qu’il en soit, le juge Ramaël et les gendarmes de la section de recherche de la gendarmerie française reprendront  l’avion le 13 octobre, après un séjour pas tout à fait inutile. En dix jours, ils auront eu tout le loisir de méditer sur la complexité des relations franco-ivoiriennes. Et sur la difficulté de solder les comptes du passé.

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