Comment les Jeux du Commonwealth ont failli être annulés

Les Jeux du Commonwealth qui se sont ouverts le 3 octobre à New Delhi auraient pu ne jamais voir le jour. Incurie, corruption, désorganisation, retards… Jusqu’au dernier moment, l’Inde a failli tout annuler. Histoire d’un scandale d’État.

Feux d’artifice au stade Jawaharlal Nehru de New Delhi, à l’ouverture des Jeux. © Reuters/Tim Wimborne

Feux d’artifice au stade Jawaharlal Nehru de New Delhi, à l’ouverture des Jeux. © Reuters/Tim Wimborne

Publié le 3 octobre 2010 Lecture : 3 minutes.

Pour New Delhi, c’est le jour J. La capitale indienne accueille à partir du 3 octobre et pendant deux semaines, l’un des événements sportifs majeurs de la planète : la 19e édition des Jeux du Commonwealth. La cérémonie d’ouverture qui s’est déroulée au stade Jahwarlal Nehru a été spectaculaire, sur fond de sonorités et rythmes popularisés par le Bollywood.

Le spectacle était également royal, avec la présence aux premières loges du Prince Charles d’Angleterre, aux côtés de la présidente de l’Union indienne Pratibha Patil. En tant que représentant de la Reine – qui préside le Commonwealth -, le prince de Galles a lu le discours du passage du « bâton » (équivalent de la flamme olympique) avant de proclamer en chœur avec la présidente indienne l’ouverture formelle des Jeux.

Fiasco de grande ampleur

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Créée en 1930 sous le nom de « Jeux de l’Empire britannique », cette compétition multisports (19 disciplines représentées) réunit aujourd’hui 71 nations souveraines, toutes présentes cette année. Quelque 7 000 athlètes, gymnastes, nageurs et sportifs, sont venus des quatre coins de la planète. Mais cette ferveur cache mal un grand malaise, qu’on tente difficilement d’oublier « pour l’amour du sport ». Car il y a huit jours à peine, de nombreux observateurs se demandaient si ces Jeux auraient lieu… ou pas.

L’Inde vient sans doute d’éviter de justesse un fiasco de grande ampleur. La construction des infrastructures nécessaires ont commencé très tardivement. Les délais de livraison des stades et des appartements pour héberger les athlètes ont dû être repoussés à plusieurs reprises. Le village sportif n’était même pas prêt lorsque les premiers visiteurs étrangers sont arrivés en éclaireurs la semaine dernière !

Des gravats dans les chambres, des portes montées à l’envers, des fenêtres cassées. Des photos prises par des journalistes de toilettes infâmes et de moquettes souillées par les ouvriers ont fait le tour du monde.

Forfaits en série

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L’inquiétude des participants est encore montée d’un cran lorsque le faux plafond de la salle d’haltérophilie et une passerelle conduisant au stade principal se sont effondrés. À ces accidents sont venus s’ajouter des problèmes liés à la sécurité à cause des menaces terroristes.

Plusieurs grands noms du sport anglophone se sont alors déclarés forfaits. De l’Australienne Dami Samuels (lancer du disque) au Britannique Philipps Idowu (triple saut), en passant par les archers canadiens Kevin Tataryn et Dietmar Trillus, les sprinteurs jamaïcains Usain Bolt et Asafa Powell, les joueurs de tennis australiens Leyton Hewitt et Samantha Stosur, la Sud-Africaine Caster Semenya (demi-fond)… Les défections se multipliaient… Et les Jeux semblaient définitivement compromis.

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D’autant qu’ils avaient été entachés de scandales et de polémiques dès la désignation de l’Inde, en 2003, comme organisatrice et hôte de l’édition 2010. Les Indiens ont été accusés d’avoir graissé la patte des officiels soutenant la candidature de leur pays. L’Inde a finalement remporté la mise avec 46 votes en sa faveur contre 22.

Hausse du budget de 6 000 %!

Pendant les sept années qui ont suivi, le comité organisateur local a brillé par son manque de coordination et son incurie. Les travaux de construction n’ont commencé à proprement parler qu’en 2008 ! Très vite, les journaux indiens ont parlé de pots-de-vin versés par des constructeurs aux fonctionnaires corrompus afin d’obtenir des contrats. Comment s’étonner dans ces conditions que le budget des Jeux soit passé de 100 millions à 6 milliards de dollars ? Soit une hausse vertigineuse de 6 000%, ce qui fait de ces Jeux la rencontre sportive la plus onéreuse organisée dans l’histoire du Commonwealth !

Malgré le rattrapage des retards à la dernière minute grâce au déploiement d’une armée d’ouvriers dans les complexes sportifs, cette expérience d’organisation des Jeux du Commonwealth a été dévastatrice pour l’image de l’Inde, qui voyait dans cette compétition internationale une opportunité pour se hisser au niveau de la Chine et de ses grandioses Jeux olympiques de 2008.

Or c’est le contraire qui s’est passé. Les dysfonctionnements des organisateurs ont montré que malgré ses avancées technologiques, l’Inde restait un pays sous-développé, gangréné par la corruption, la bureaucratie et la désorganisation. « L’Inde a davantage besoin d’écoles que de stades », proclamaient récemment les manifestants dans les rues de Delhi, vociférant contre les « Jeux de la honte ». Mais les autorités ont déjà postulé pour les Jeux olympiques 2020… Avec, il est vrai, désormais moins de chance d’être entendues.

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