Gnassingbé joue l’apaisement avec la presse privée

Quatre semaines après son courroux contre la presse privée locale, le chef de l’État togolais, Faure Gnassingbé a décidé de surseoir à tous les procès qu’il a engagés contre trois organes de presse.

Faure Gnasingbé a retiré plusieurs plaintes contre la presse. © AFP

Faure Gnasingbé a retiré plusieurs plaintes contre la presse. © AFP

Publié le 2 octobre 2010 Lecture : 3 minutes.

Il y avait foule au Palais de justice de Lomé ce mardi 29 Septembre. Représentants des associations de la presse, défenseurs de droits de l’homme, journalistes ou de simples curieux étaient venus assister à la comparution de Carlos Kétohou, le directeur du journal Indépendant Express. Son dossier a été renvoyé deux fois de suite pour non paiement de la caution de 20 000 F CFA par Faure Gnassingbé, le plaignant.

Contre toute attente, l’affaire sera vite classée. « À mon arrivée ce matin au Palais de justice, j’ai été invité par le procureur de la République à échanger avec lui. Il m’a notifié verbalement que le chef de l’État a retiré les deux plaintes qu’il a portées contre nous. […] Il m’a fait comprendre que le chef de l’État a suivi certaines de nos interventions, et qu’il a constaté que nous n’avons pas de mauvaises intentions à le critiquer. Mais plutôt, que nous sommes dans le sens de la construction du pays », a expliqué à jeuneafrique.com Carlos Kétohou, visiblement soulagé par l’attitude du président.

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Heureux dénouement

« Nous sommes satisfaits du geste du chef de l’État. Ce n’est pas gai de traîner des plaintes, encore plus celles du chef de l’État. Nous sommes très content pour ce dénouement heureux », a déclaré Kétohou à la presse.

Les plaintes en question étaient relatives à de deux articles dont l’un critiquait la gouvernance de Gnassingbé, et l’autre impliquait le nom du chef de l’État dans une affaire de mœurs.

Le quotidien Liberté et l’hebdomadaire La Lanterne étaient pour leur part accusés de « diffamation, injures, outrage et atteinte à l’honneur » du président. Pour ces deux publications, le procureur de la République avait déjà notifié aux directeurs le retrait de leurs  plaintes par le président Gnassingbé, dès le 24 septembre.

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Dans les milieux de la presse togolaise, on attribue cette « sagesse du chef de l’État » à la médiation du Conseil national des patrons de presse du Togo (Conapp) qui s’est investi auprès de l’autorité pour la levée des procédures engagées. Pour son président, Jacques Djakouti, « il s’agit d’une tentative pour régler à l’amiable lesdites affaires. Et ce, en prélude au Forum de la presse privée qui se tiendra bientôt à Lomé », a-t-il confié à L’Union, un journal local. « C’est une rencontre au cours de laquelle nous allons nous dire certaines vérités », a ajouté le patron du Conapp, faisant allusion aux procès en cascade enregistrés ces derniers mois dans la presse privée.

Atmosphère politique

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La réaction du chef de l’État a été saluée par toute la presse locale. D’autant qu’il était reproché à Faure Gnassingbé de vouloir museler la presse privée en la poursuivant devant les tribunaux pour l’asphyxier économiquement. Le journal Tribune d’Afrique en sait quelque chose : il a été condamné à verser 60 millions de F CFA de dommages et intérêts à Mey Gnassingbé, frère du chef de l’État, qui était accusé par le journal d’être au centre d’une affaire de trafic de stupéfiant.

« L’atmosphère politique actuelle ne permet pas au chef de l’État de garder une plainte de ce genre. Nous saluons son acte. Il y va de son intérêt et de son image », note Komivi Amouzouvi de l’Union des journalistes indépendants du  Togo (Ujit), une organisation de presse privée. Cependant, « le retrait des plaintes ne signifie pas la fin des tentatives de musellement de la presse », avertit Franck Assah, membre de Media Foundation au Togo.

Il y a quelques semaines, une dizaine de plaintes ont été déposées près le tribunal de Lomé contre quelques « publications indélicates ». Les plaignants (le chef de l’État et son entourage surtout) réclament des dédommagements allant de 5 à 100 millions de F CFA. Un chemin de croix en perspective pour une presse qui tire souvent le diable par la queue.

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