Causerie entre une victime et son bourreau

La dernière pièce de la compagnie malienne BlonBa, écrite par Jean-Louis Sagot-Duvauroux, revient sur la drôle d’amitié qui s’est nouée entre un cadre de la dictature de Moussa Traoré et l’une de ses victimes. Intense et décapant.

Soungalo Samaké (Adama Bagayoko) et l’opposant Amadou Traoré (Michel Sangaré). © BlonBa

Soungalo Samaké (Adama Bagayoko) et l’opposant Amadou Traoré (Michel Sangaré). © BlonBa

ProfilAuteur_SeverineKodjo

Publié le 25 septembre 2010 Lecture : 2 minutes.

Étrange dialogue que celui entre un tortionnaire et sa victime. Ce sujet fascinant et dérangeant  est au cœur de la dernière création de la Compagnie malienne BlonBa (sur un texte écrit par Jean-Louis Sagot-Duvauroux, co-auteur de Bougouniéré invite à dîner), qui était présentée pour la première fois au public, le 24 septembre à Limoges, dans le cadre du festival Francophonies en Limousin.

La pièce, un docu-fiction théâtral, s’inscrit dans la lignée du théâtre populaire et traditionnel malien, le kotèba. Intitulée Vérité de soldat, l’œuvre revisite les cinquante dernières années du Mali, et fait le procès du régime militaire de Moussa Traoré et de celui du socialiste Modibo Keïta, qui l’a précédé. Mais c’est un procès qui ne juge pas. À l’instar des commissions Vérité et réconciliation de l’Afrique du Sud post-apartheid, il revient sur un passé douloureux et permet la catharsis souvent indispensable à la construction d’un nouveau vivre-ensemble.

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La victime devient l’éditeur

Inspirée de personnages historiques, Vérité de soldat donne à voir l’incompréhensible connivence qui s’est instaurée entre l’ancien parachutiste Soungalo Samaké (Adama Bagayoko) et l’opposant Amadou Traoré (Michel Sangaré). Samaké est le sous-officier qui a arrêté le premier président du Mali indépendant, Modibo Keïta, lors du coup d’État du 19 novembre 1968, et a été l’une des personnalités centrales du régime de Moussa Traoré. Il commandait à Bamako la Compagnie des commandos parachutistes de Djikoroni, dans un camp qui servait aussi de lieu de détention des opposants. Puis, ironie de l’histoire, il fut lui-même suspecté de complot et condamné à dix ans de travaux forcés.

À sa sortie de prison, il confie le récit de son existence à Amadou Traoré, un opposant qu’il a torturé des années auparavant et fait emprisonné dix ans durant au bagne de Kidal (Nord du Mali). Soungalo Samaké publiera son autobiographie, Ma vie de soldat, aux éditions de la Ruche… dirigées par Amadou Traoré.

La difficulté du pardon

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Jouée en bamanan kan (bambara, surtitré en français), Vérité de soldat est portée par l’interprétation enlevée d’Adama Bagayoko qui compense la longueur de certains passages qui affaiblissent la tension dramatique de la pièce. Cette production du centre BlonBa de Bamako, dirigé par Alioune Ifra Ndiaye, tourne une page de l’histoire du Mali au moment même où le pays célèbre les 50 ans de son indépendance. L’un des personnages de la pièce prévient : « l’indépendance n’est pas notre mémoire, elle est notre horizon ».

Un horizon qu’il ne sera possible d’atteindre que si le pays a pansé ses plaies. Mais « comment peut-on pardonner ? » s’interroge une jeune femme (Maïmouna Doumbia), née des viols commis par les militaires sous les ordres de Soungalo Samaké. Une interrogation on ne peut plus universelle.

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Alioune Ifra N’Diaye

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