Questions autour de la mort de Joshua Abdul Ruzibiza
En exil au Norvège depuis quelques années, Joshua Abdul Ruzibiza est décédé à l’âge de 40 ans à Oslo. Il était le témoin clé dans l’enquête sur l’attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana.
Attentat du 6 avril 1994 : retour sur l’enquête de la discorde entre la France et le Rwanda
Le 6 avril 1994, l’attentat contre le président rwandais Juvénal Habyarimana donnait le signal de départ au génocide contre les Tutsi. Retrouvez tous nos articles sur ce dossier qui empoisonne depuis vingt ans les relations entre Paris et Kigali.
Selon l’agence rwandaise d’information RNA, Joshua Abdul Ruzibiza, 40 ans, est décédé d’un cancer hier à Oslo, où il vivait depuis une dizaine d’années. Le nom de cet ancien lieutenant du Front patriotique rwandais (FPR, parti présidentiel) était directement lié à une des plus grandes polémiques de l’histoire récente du Rwanda.
Car Ruzibiza était le témoin clé dans l’enquête française sur l’attentat contre l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana en 1994. Il avait accusé le FPR de Paul Kagamé d’avoir perpétré l’attentat contre le président hutu Habyarimana, élément déclencheur du génocide des Tutsis ayant fait environ 800 000 morts selon l’ONU.
À l’origine de la brouille entre Paris et Kigali
Il avait notamment affirmé dans un livre avoir participé au commando qui a abattu l’appareil, le 6 avril 1994. Son témoignage était au cœur de l’enquête du juge anti-terroriste français Jean-Louis Bruguière, qui avait émis, fin 2006, neuf mandats d’arrêt contre des proches de Paul Kagamé.
Une procédure qui avait conduit Kigali à rompre ses relations diplomatiques avec Paris pour ne les reprendre que fin 2009.
À la suite du rétablissement des relations diplomatiques entre Paris et Kigali, deux autres juges d’instruction, Marc Trevidic et Nathalie Poux, ont repris l’enquête à zéro. Ils se sont rendus sur le terrain, la semaine dernière pour tenter d’établir la provenance des tirs contre l’avion d’Habyarimana.
Mais entre-temps, avant même que les rapports franco-rwandais se soient ranimés, Ruzibiza était revenu sur son témoignage en 2008, assurant qu’il avait été manipulé.
Pierre Péan, l’auteur de Noires fureurs, blancs menteurs avait expliqué ce revirement par « la peur, la trouille d’être supprimé ».
Craintes pour sa sécurité personnelle
Et selon le site de l’hebdomadaire français Marianne, Ruzibiza aurait confirmé cette explication devant Marc Trévidic, en juin dernier. Le journal a produit le 23 septembre le PV de cette audition au cours de laquelle Abdul Ruzibiza confirme l’intégralité de ses toutes premières dépositions sur l’implication de plusieurs membres du FPR dans l’attentat. « Pourquoi êtes vous revenu au cours de diverses entrevues sur le contenu de vos auditions en France ? », demande le juge. « La réponse générale est liée à ma sécurité personnelle et à celle de certains témoins », explique-t-il.
Restent que les circonstances de la mort de Ruzubiza sont encore mal déterminées. Un avocat des personnalités mises en examen par le juge Bruguière a demandé à en savoir plus sur les circonstances du décès.
« J’ai demandé au juge (Marc) Trévidic qu’il prenne contact avec les autorités policières et judiciaires de Norvège pour qu’on détermine de toute urgence si c’est un décès naturel », a déclaré Me Bernard Maingain. « Je n’avais eu aucun écho d’une maladie qui le frappait », a ajouté ce dernier.
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