Le président de l’Assemblée nationale accusé de négationnisme
Dans une interview au journal Tribune d’Afrique, le président de l’Assemblée nationale du Togo, Abass Bonfoh, a tenu des propos qui ont provoqué la colère des militants des droits de l’homme. Ils exigent sa démission.
« Ces propos sont des propos négationnistes. Qui ne sait pas qu’il y a eu des morts au Togo dans la période postélectorale de 2005 ? Si aujourd’hui, lui [Abass Bonfoh, NDLR] qui a été chef de l’État par intérim, tient ces propos absurdes, nous sommes en droit de demander sa démission, tant ces propos sont graves », s’insurge Me Benoit Afangbédji, Président de l’Association Chrétienne pour l’Abolition de la Torture au Togo (Acat Togo). Une pétition en ce sens a été aussitôt mise en ligne.
Pas de cadavres, pas de morts ?
Dans son interview, le président Bonfoh nie avoir eu connaissance d’un seul mort lors des violences postélectorales qui ont porté Faure Gnassingbé au pouvoir en 2005, après le décès de son père feu Eyadéma.
« Ce ne sont que des histoires auxquelles je ne crois pas, parce que je n’ai rien vu de la sorte, pas même un seul mort. Qui s’en est plaint ? […] Qu’on nous montre les morts ou les fosses communes dans lesquelles ils sont enterrés. Je n’ai vu aucun cadavre […] », a réagi le président de l’Assemblée nationale togolaise.
Au nombre des organisations de défense des droits de l’homme très critiques à l’égard d’Abass Bonfoh figurent entre autres la Ligue togolaise des droits de l’homme (LTDH), le Collectif des associations contre l’impunité au Togo (Cacit). Et des partis d’opposition se joignent au mouvement.
« Nous ne pouvons pas tolérer ces affirmations d’une extrême gravité. Nous projetons d’écrire au président [Abass Bonfoh, NDLR] pour lui rappeler ces moments malheureux de notre pays, et mettre en œuvre des manifestations pour dénoncer ces propos », a affirmé à Jeuneafrique.com Patrick Lawson de l’Union des forces de changement (UFC, tendance Jean-Pierre Fabre).
Un bilan difficile à nier
L’ex-président par intérim a également confié dans son interview n’avoir jamais été au courant de la commission du gouvernement, ni de celle des Nations unies, mises en place pour enquêter sur les massacres d’avril 2005.
Un bilan de 150 morts, selon la commission nationale d’enquête dirigée par Me Kokou Koffigoh, ancien Premier ministre du Togo, et plus de 500 morts d’après le rapport de l’ONU qui a été rendu aux autorités togolaises au terme des investigations.
« Même le président de la République a reconnu qu’il y a eu des morts, d’où son fameux appel d’Atakpamé en termes évocateurs : “Plus jamais ça sur la terre de nos aïeux !” », commente Carlos Kétohou, Président de la Coalition togolaise des défenseurs des droits de l’homme (CTDDH).
« Sans doute qu’il y a eu des morts, mais leur nombre n’atteint pas 500 comme c’était écrit dans certains journaux, ou comme certaines associations qui ne soient pas représentées au Togo l’ont mentionné dans leur rapport », se contredit pourtant Bonfoh, ajoutant ne pas craindre une quelconque poursuite par la Cour pénale internationale (CPI).
Inquiétudes sur le processus de réconciliation nationale
« Je vais m’inquiéter de quoi, parce que j’ai fait quoi ? Ce n’est pas à cause de la bêtise humaine que toute la responsabilité doit reposer sur la seule personne de celui qui commandait », clame-t-il.
En conséquence, de nombreux Togolais estiment que ces propos du deuxième personnage de l’Etat jettent un grand discrédit sur le processus de réconciliation mis en branle par le président togolais en personne, à travers la mise sur pied de la Commission vérité, justice et réconciliation (CVJR). Dirigée par Mgr Nicodème Barrigah, celle-ci a la lourde responsabilité de faire la lumière sur les crimes et les massacres commis entre 1958 et 2005 et d’étudier les modalités d’apaisement des tensions.
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