Aminata Traoré : « Les OMD ne seront pas atteints »
Aminata Traoré, ancienne ministre malienne de la Culture et du Tourisme, livre son analyse sur les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) au moment où les chefs d’État et de gouvernement planchent sur le bilan d’étape à New York. L’écrivaine dont l’engagement altermondialiste est connu de tous, nous dresse un triste inventaire des OMD sur le continent en trois points.
« Changer le modèle de développement »
Les dés sont pipés dès le début. Les OMD sont pertinents, mais depuis qu’on les a fixés en 2000, on ne s’est pas donné les moyens de les atteindre. Tant qu’on ne changera pas le modèle de développement que l’on nous impose et la structure de l’économie mondiale, on ne pourra pas véritablement lutter contre la pauvreté, pour la santé, l’éducation, l’alimentation ou les droits des femmes. Même dans cinq ans !
« L’Occident a mondialisé ses priorités »
En Afrique, contrairement à ce qui se passe en Amérique latine, il y a un véritable renoncement à toute pensée critique sur le fonctionnement de l’économie mondiale. Nos dirigeants font mine d’adhérer aux OMD, mais n’ont aucune intention de changer les choses pour les atteindre car ils ne rendent pas des comptes aux populations. C’est d’une hypocrisie sans nom ! Je suis bien placée pour le savoir. Je vis au Mali, un pays qui est considéré par les Occidentaux comme une démocratie exemplaire. En réalité, ici, nous avalons des couleuvres tous les jours.
Les présidents des grandes entreprises et technocrates nous parlent du développement mais ils ne considèrent l’Afrique que comme une pourvoyeuse de matières premières. Et peu d’Africains réagissent. L’Afrique est le ventre mou de la mondialisation. D’ailleurs, on l’a bien vu au dernier sommet de l’Union africaine à Kampala, la priorité n’est plus à la lutte contre la pauvreté, mais à celle contre le terrorisme. L’Occident a mondialisé ses priorités.
« Nous allons vers plus de dépendance »
Il est clair que sans même parler seulement de l’Afrique, au niveau mondial, les OMD ne seront pas atteints. Le cas le plus parlant est celui de l’alimentation : le nombre de personnes souffrant de malnutrition est passé de 930 millions à 1 milliard.
Dans l’agriculture, les ventes de terres arables à des sociétés étrangères me choquent particulièrement. Avant, l’on disait à nos agriculteurs de produire en masse, sans considération pour l’agriculture familiale. Aujourd’hui, le discours est : « Puisque vous n’y arrivez pas, cédez nous vos terres. » Nous allons vers plus de dépendance.
Au niveau de l’accès à la santé, alors qu’on a passé notre temps à dire aux femmes de venir accoucher et se soigner à l’hôpital, aujourd’hui, avec la privatisation des systèmes de santé, certaines ne peuvent accéder aux soins. On leur dit « Il faut payer » avant de les soigner.
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