Michel Sidibé : « La recherche ne doit plus être prise en otage par le monde riche »

Le directeur exécutif de l’Onusida, Michel Sidibé, se rendra au sommet des Nations-unies sur les OMD, du 20 au 22 septembre prochain à New-York. Avec jeuneafrique.com, il a accepté de dresser un bilan de l’état actuel de la pandémie du VIH/sida. Et de livrer sa vision sur ce qui doit changer dans la lutte contre le virus. Interview.

Michel Sidibé veut impliquer davantage les pays à forte croissance dans la lutte contre le sida. © UN Photo/Mark Garten

Michel Sidibé veut impliquer davantage les pays à forte croissance dans la lutte contre le sida. © UN Photo/Mark Garten

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 17 septembre 2010 Lecture : 3 minutes.

Jeuneafrique.com : Qu’attendez-vous du sommet des Nations-unies sur les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), qui a lieu à New-York du 20 au 22 septembre ?

Michel Sidibé : J’y vais pour livrer deux messages importants. Le premier est celui de l’intégration. La lutte contre le sida peut être une passerelle entre les OMD, pour créer des synergies. On ne peut venir à bout du sida qu’en s’impliquant dans la santé reproductive mais aussi contre les violences sexuelles et même dans la lutte contre le cancer…

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Et votre second message ?

C’est celui de l’innovation. La question de la recherche pharmaceutique ne doit plus être prise en otage par la vision éthique et économique du monde riche. Il faut faire baisser le coût du traitement, avec une pilule unique, moins chère, permettant de rester en première ligne plus longtemps avec moins d’effets secondaires. C’est ce que j’appelle le traitement « 2.0 ». C’est la seule façon d’atteindre les 10 millions de personnes qui n’ont pas accès aux médicaments, mais aussi d’éviter 1 million de nouvelles contaminations par an. Pour y arriver, il faudra s’adapter au monde à croissance rapide. Aujourd’hui, 80 % des médicaments utilisés dans les pays pauvres sont produits en Inde. Pourquoi ne pas impliquer davantage la Chine dans ce processus ?

Des progrès ont-ils été réalisés dans la lutte contre le virus ?

Il y a des signes positifs et des progrès réels vers l’atteinte de l’OMD 6 [concernant la lutte contre le sida, NDLR]. Nous avons notamment enregistré une baisse des nouvelles infections de 25 % en huit ans dans 22 pays d’Afrique subsaharienne : Côte d’Ivoire, Éthiopie, Nigeria, Afrique du Sud, Zambie et Zimbabwe, mais aussi Gabon, Congo, Burkina Faso, Centrafrique, Togo, Mali… Dans le cas sud-africain, en particulier, nous sommes heureux des progrès accomplis dans le blocage de la transmission mère-enfant. S’agissant des traitements, nous avons aujourd’hui un taux de couverture de plus de 90 %. Et nous devrions passer de quelque 70 000 naissances séropositives il y a peu pour atteindre une transmission mère-enfant de presque 0 % d’ici à deux ans. C’est extraordinaire.

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Il y a aussi des signes inquiétants : chez certains groupes sociaux dits « minoritaires », par exemple, les taux de prévalence du VIH/sida sont élevés, voire en augmentation…

Effectivement, et cela prouve que si des efforts énormes ont été réalisés pour l’accès aux médicaments, il reste encore beaucoup à faire en terme de prévention envers les minorités, et pas seulement dans les pays très répressifs à l’égard des séropositifs, des homosexuels, des consommateurs de drogue ou des travailleurs du sexe. Cette dernière catégorie est d’ailleurs la plus exposée, mais elle ne concentre que 1 % des financements en terme de prévention… C’est un problème auquel il faut remédier. Car les seules parties du monde où il n’y a pas de baisse des nouvelles infections – l’Asie centrale et l’Europe de l’Est – sont celles où la prévention envers les groupes à risque est quasiment nulle…

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Vous craignez aussi une baisse des financements venant des bailleurs internationaux ?

Oui, c’est une grande préoccupation. Mais cela montre aussi la nécessité de penser le problème en terme de responsabilité partagée. Nous recommandons que les gouvernements des pays pauvres participent aussi à la lutte dans leur propre pays en mobilisant de 0,3 à 0,5 % de leur PIB. Nous ne pouvons pas placer décemment des millions de personnes sous traitement pendant trente ou quarante ans en espérant que tous les deux ans, des financements viennent de l’extérieur. On retrouve ici la nécessité de faire baisser le coût des traitements pour qu’ils puissent être mieux pris en charge par les gouvernements des pays les plus touchés par le virus.

On a prédit le pire en matière de transmission du VIH/sida pendant la Coupe du monde de football en Afrique du Sud. Quel bilan pouvez-vous en tirer aujourd’hui ?

C’est un peu tôt pour évaluer l’impact du Mondial en terme de transmission. Mais ce qui est sûr, c’est que des efforts considérables ont été réalisés en terme de prévention. Cela a initié un mouvement intéressant au niveau national entre la population, le gouvernement, l’Onusida, l’Unicef… Nous avons aussi lancé une campagne de prévention baptisée « Carton rouge contre la transmission mère-enfant », avec une déclaration signée par les capitaines de 28 équipes nationales de foot. Cette campagne doit s’étendre sur une durée de quatre ans, « de Soweto à Rio de Janeiro », c’est-à-dire du Mondial sud-africain à celui du Brésil, en 2014.
 

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