Moines de Tibéhirine : l’ambassadeur de France a-t-il menti ?

Le médecin et l’ancien consul de France, qui avaient assisté à l’identification des têtes des sept moines assassinés en Algérie en 1996, contredisent la version de l’ambassadeur de France d’alors. Cette enquête, qui empoisonne les relations entre Paris et Alger, est une nouvelle fois relancée.

Photo non datée des moines de Tibéhirine en Algérie. © AFP

Photo non datée des moines de Tibéhirine en Algérie. © AFP

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 10 septembre 2010 Lecture : 2 minutes.

Il y a un menteur parmi ces hommes. Deux versions contradictoires de l’identification des têtes décapitées des sept moines de Tibéhirine, retrouvés morts en Algérie en 1996, émergent désormais de l’enquête du juge d’instruction Marc Trévidic.

Leur assassinat avait été revendiqué par le Groupe islamique armé (GIA) de Djamel Zitouni, à une période et dans une région où les tueries étaient fréquentes. Mais d’après un ancien attaché de Défense à Alger, le général français François Buchwalter, il s’agirait d’une bavure de l’armée algérienne, qui traquait alors le GIA dans la région, et que la France aurait couvert. Depuis ce témoignage, les relations entre Paris et Alger sont affectées négativement par l’enquête.

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La déclassification de certains documents a permis au juge Trévidic de mettre la main sur un télégramme diplomatique de l’ambassadeur de France en Algérie d’alors, daté du 2 juin 1996. L’ambassadeur Michel Lévêque y décrit la reconnaissance des têtes des sept moines lors de la visite à l’hôpital qui a eu lieu deux jours plus tôt.

Contradiction

Il mentionne des « constatations visuelles du médecin de la gendarmerie selon lesquelles les têtes étaient » dans un état de décomposition avancée avec putréfaction générale. Surtout, le diplomate cite une évaluation de la date du décès des moines qui aurait été alors faite. Selon le télégramme de Michel Lévêque, le médecin de gendarmerie avait estimé que leur décès était survenu « entre le 16 et le 21 mai » ce qui correspond à la date de la revendication de l’assassinat par le GIA.

Problème : le médecin en question, Tantely Ranoarivony, spécialiste de chirurgie faciale, a infirmé cette version fin juin au cours d’une audition par le juge Marc Trévidic. « Je n’ai pas donné d’indication sur la date des décès car je ne suis pas médecin légiste », a-t-il déclaré selon le procès-verbal dévoilé par le quotidien français Le Monde jeudi. « Je ne me souviens pas avoir donné à l’ambassadeur ces indications qui paraissent très précises », a-t-il ajouté.

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Le médecin contredit la version de l’ambassadeur sur un autre point : il dit ne pas se souvenir de la présence de l’archevêque d’Alger Mgr Teissier ainsi que d’autres hommes d’église lors de l’identification. Michel Lévêque les évoque pourtant dans son télégramme diplomatique.

L’ancien ambassadeur de France doit s’expliquer

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La version du médecin Ranoarivony est renforcée par le témoignage de l’ancien consul de France, François Ponge, également présent au moment de l’identification. Il a déclaré au juge qu’il avait posé au médecin « la question de la date du décès » et que ce dernier n’avait « pas pu [lui] répondre ».

Ces témoignages confirment « la loi du silence qui prévalait à l’époque et mérite explication », a estimé l’avocat des parties civiles Me Patrick Baudouin.
Michel Lévêque devait être interrogé par le juge Marc Trévidic jeudi 9 septembre pour s’expliquer sur ces divergences.

L’audition du général Philippe Rondot, prévue le 27 septembre, pourrait également apporter des éclaircissements, en particulier sur le rôle des services secrets algériens avec qui il était en contact à l’époque des faits.  (avec AFP)
 

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