Maputo à feu et à sang

Sur fond de guerre sourde et fratricide entre les deux clans qui dirigent l’appareil d’État, des manifestations d’une rare violence ont éclaté à Maputo pour protester contre l’augmentation brutale du prix de la vie.

Des manifestants retournent une voiture brûlée à Maputo, le 2 septembre 2010. © AFP

Des manifestants retournent une voiture brûlée à Maputo, le 2 septembre 2010. © AFP

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 3 septembre 2010 Lecture : 2 minutes.

Jamais la capitale n’avait connu un tel chaos depuis l’indépendance, en 1975. Le 1er septembre, la population des bidonvilles de Maputo (« la ville de roseaux » par opposition à « la ville de ciment ») est descendue dans la rue pour manifester contre les hausses de prix.

Le gouvernement, visiblement bien inspiré,  a choisi ce moment pour annoncer une augmentation de 25 % du prix du pain. Les manifestations ont rapidement débordé. Pneus enflammés, routes barrées, pillages, règlements de compte… La police avait prévenu qu’elle réprimerait durement. Ce qu’elle a fait pendant deux jours entiers.

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Tirant parfois à balles réelles, comme l’a confirmé un porte-parole de la police à l’agence Reuters au début des émeutes, les forces de l’ordre ont paru débordées par les événements dont l’ampleur dépasse de loin ceux de février 2008, où six personnes avaient été tuées. Le bilan provisoire est de sept morts, dont deux enfants d’une dizaine d’années tués par balles, et 288 blessés.

Contrairement à 2008, où les scènes de chaos restaient concentrées dans certains quartiers, celles-ci se sont étendues à toute la périphérie de Maputo et même aux principaux axes de la capitale, où l’on entendait régulièrement des coups de feu. De nombreux adolescents faisaient partie des manifestants. Et la deuxième ville du pays, Beira, a elle aussi été touchée par de violentes échauffourées.

Guerre larvée

À l’origine de cette révolte, les augmentations en cascade que la population a dû subir ces derniers mois. Une situation qui s’explique par le surgissement brutal de la crise financière sous la forme d’une dépréciation de la devise nationale par rapport au rand sud-africain, qui a grimpé de 43 % depuis le début de l’année.

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La balance commerciale est également en cause, dans un pays qui importe presque tous ses produits de consommation et qui, malgré une croissance importante, est loin d’avoir impulsé le développement d’une industrie nationale en mettant à profit son immense façade maritime. Quelque 65 % de ses 20 millions d’habitants vivent encore sous le seuil de pauvreté, un chiffre qui englobe les 30 % de Mozambicains les plus démunis, qui vivent, eux, dans l’extrême précarité.

En dépit du bilan meurtrier des émeutes, le gouvernement a maintenu l’augmentation de 25 % du pain (prévue pour la semaine prochaine), dont l’annonce avait embrasé les faubourgs pauvres de la capitale. Elle faisait suite aux hausses de prix du riz, de l’eau, du carburant et de l’électricité. Des charges difficiles à supporter, alors que le salaire minimum ne dépasse pas 55 euros par mois.

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Si le gouvernement rechigne à lâcher du lest, contrairement à ce qu’il a fait en 2008 (il avait subventionné le carburant des transports en commun), c’est qu’il suspecte une instrumentalisation de la contestation sociale par le clan Joachim Chissano (du nom de l’ancien président mozambicain). Celui-ci est en situation de guerre larvée et fratricide avec le camp du président actuel, Armando Guebuza, au sein même du parti au pouvoir, le Front de libération du Mozambique (Frelimo). La faction Guebuza suspecte notamment ses rivaux d’avoir été à l’origine d’une campagne de SMS et de mails appelant à manifester contre le gouvernement pour le mettre en difficulté.

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