Tony Blair : « J’aurais adoré renverser Mugabe »
Dans son autobiographie, A Journey (Un voyage), l’ancien Premier ministre britannique revient sur ses dix années passées au pouvoir. Malgré quelques remords sur l’Irak, il a réaffirmé l’utilité des interventions militaires et a même regretté de ne pas en avoir fait plus sur le continent.
C’est un Tony Blair droit dans ses bottes et fier de son bilan que laisse apparaître A Journey (« Un voyage »), sorti le 1er septembre aux quatre coins du monde.
Le style direct a été salué par les commentateurs et le texte est émaillé de petites révélations, comme son penchant pour l’alcool (« Un whisky ou un gin tonic à l’apéritif et un ou deux verres de vin, voire une demi-bouteille » au dîner), mis sur le compte du stress dû à sa rivalité avec Gordon Brown. Mais sur le fond, et notamment en politique étrangère, Tony Blair ne renie presque rien de son bilan.
Il qualifie certes son action la plus contestée (la guerre en Irak) de véritable « cauchemar » et met en avant sa sensibilité. Les soldats tombés en Irak « sont morts, et moi, qui ait pris la décision qui a mené à leur mort, je vis toujours ». « Comment peut-on ne pas ressentir de la tristesse ? », a ajouté l’ancien Premier ministre dans la presse cette semaine, assurant qu’il éprouvait de la « responsabilité » pour ces évènements. « Ce n’est pas une coïncidence si je consacre désormais une grande partie de mon temps au Moyen-Orient [Tony Blair est le représentant du Quartet (UE, ONU, États-Unis et Russie) au Proche-Orient, NDRL] ou au dialogue interreligieux. »
Toutefois, « sur la base de ce que nous savions, je reste persuadé que laisser Saddam au pouvoir était un risque plus important pour notre sécurité que de le renverser », confirme-t-il. C’était « une guerre impopulaire, menée avec un président républicain américain très impopulaire », George Bush, qu’il « aimait et admirait pour son intégrité ».
Fier de l’intervention en Sierra Leone
Malgré la désastreuse expérience irakienne, Tony Blair reste donc proche des idées néoconservatrices notamment sur les interventions militaires extérieures.
En essayant de théoriser ces dernières, il se penche ainsi sur le cas des régimes « dictatoriaux ou oppressifs ». « Ils ne représentent peut-être aucune menace extérieure, et ils peuvent être facilement maîtrisés diplomatiquement. Il n’est peut être – comme avec Mugabe [le président du Zimbabwe, NDRL] – pas réalisable d’intervenir. » Mais il s’interroge : « Si le changement ne vient pas de l’évolution, doit-il venir d’une révolution ? Ceux qui ont la puissance militaire doivent-ils envisager de le faire ? »
L’ex-champion du Labour, qui se dit particulièrement fier de l’intervention en Sierra Leone en 2000, regrette de ne pas en avoir fait plus, notamment sur le continent.
L’ancien Premier ministre britannique écrit par ailleurs : « Les gens me demandaient souvent : si vous vous êtes débarrassé des gangsters de Sierra Leone, de Milosevic, des talibans et de Saddam, pourquoi ne pouvez-vous pas vous débarrasser de Mugabe ? La réponse est que j’aurais adoré le faire, mais ce n’était pas réalisable. »
Et Tony Blair d’expliquer, critiquant les dirigeants d’Afrique australe au passage : « Dans son cas, et pour des raisons que je n’ai jamais comprises, les nations africaines des environs lui maintenaient un soutien persistant et se seraient opposées vigoureusement à toute action. »
Le défi de l’islam radical
Entre les lignes des quelques extraits parus dans la presse britannique, on peut imaginer ce qu’aurait été sa politique aujourd’hui, s’il résidait toujours au 10 Downing Street.
« Le défi sécuritaire fondamental du XXIe siècle » est toujours l’islamisme radical affirme l’ancien Premier ministre dans son livre.
Rebondissant à cette affirmation dans une interview accordée à The Guardian, Blair fait l’amalgame entre les attentats du 11 septembre et le nucléaire iranien. « Ce qu’il y avait de choquant avec le 11 septembre, c’est que 3 000 personnes sont mortes en un jour, mais ça aurait été 300 000 s’ils avaient pu le faire. C’est pourquoi j’ai bien peur que, à propos de l’Iran, je ne prendrais pas le risque de les laisser acquérir des capacités nucléaires. »
Un temps pressenti à la présidence du Conseil européen, l’inventeur du « blairisme » a conclu son ouvrage par cette postface : « Je n’ai jamais ressenti autant de frustration et un plus profond désir de leadership. »
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