Génocide : la justice française face au « secret-défense »
La chape de plomb pesant sur le rôle de l’armée française lors du génocide de 1994 ne devrait pas être levée de sitôt. La Commission consultative du secret de la défense nationale a émis un avis négatif – qui devrait être suivi par les autorités – concernant la demande d’accès à un document de la juge d’instruction Florence Michon.
Pas de certitude absolue, mais très vraisemblablement, Florence Michon ne pourra pas consulter le document qu’elle réclamait. Le 1er juin dernier, cette juge d’instruction française avait demandé l’accès à un bordereau de l’administration militaire dans le cadre de son enquête, une information judiciaire « visant notamment l’implication de l’armée française » suspectée de « complicité de génocide, complicité de crime contre l’humanité et entente en vue de commettre un génocide» – en l’occurrence celui de 1994 au Rwanda.
L’agence française chargée d’étudier sa requête, la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), a émis un avis défavorable concernant « le bordereau numéro 6 du 15 févier 2010 et son annexe émanant du ministère de la Défense ». L’avis, daté du 15 juillet, a été publié au Journal officiel du vendredi 30 juillet.
Le ministère de la Défense, à qui était adressée la demande initiale, avait saisi le CCSDN le 6 juillet dernier. Il revient désormais au ministre concerné, Hervé Morin, de statuer sur la demande.
Une déclassification peu probable
Mais la quasi-totalité des quelques 140 avis de la CCSDN – dont neuf concernaient le Rwanda – ont toujours été suivis par les autorités concernées (Élysée, Matignon, ministères). Dans ces conditions, la déclassification du document paraît peu probable.
La polémique sur le rôle joué par la France au Rwanda, avant et surtout pendant le génocide de 1994 auquel certains l’accusent d’avoir participé au moins de manière indirecte, a empoisonné les relations entre Paris et Kigali depuis cette époque. Le Rwanda accuse la France d’avoir soutenu le régime de l’ancien président Juvénal Habyarimana, dont la mort dans un attentat, le 6 avril 1994, a marqué le début du génocide. Après une rupture de trois ans dû à une procédure judiciaire française visant à déterminer l’identité des auteurs de l’attentat, les deux pays ont rétabli leurs relations diplomatiques fin 2009.
Une réconciliation qui doit permettre au juge Trévidic, qui a succédé à Jean-Louis Bruguière, de se rendre à Kigali à la tête d’une mission technique pour enquêter sur les circonstances du crash.
Outre ce dossier sur l’éventuelle responsabilité de la France dans le génocide, Florence Michon est également en charge de l’enquête dans l’affaire du bombardement de Bouaké en 2004, qui dégrade les relations entre la France et la Côte d’Ivoire. Dans ce cadre, elle a notamment procédé à l’audition de Michèle Alliot-Marie, à l’époque ministre de la Défense, en mai dernier.
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