Déby – El-Béchir : lune de miel entre anciens frères ennemis ?
La visite d’Omar el-Béchir, le président soudanais, à son homologue tchadien, Idriss Déby Itno, marque une nouvelle étape sur le chemin de la réconciliation entre les deux pays voisins.
Accueilli en grande pompe mercredi 21 juillet à N’Djamena, l’homme fort de Khartoum honore une invitation officielle en forme de pacte de non-agression, sous couvert d’assister au sommet de la Communauté des pays sahélo-sahariens (Censad).
Les deux pays sont en « guerre » par procuration depuis six ans, chacun soutenant la rébellion voisine. Ainsi, le Soudan est considéré comme la base arrière des insurgés tchadiens, tandis que le Tchad protège les factions rebelles soudanaises. Pendant longtemps, Idriss Déby Itno a accusé son voisin de vouloir le renverser en retournant contre lui ses propres opposants armés, et vice-versa.
Mais depuis 2009, et davantage encore ces derniers mois, les efforts diplomatiques des médiateurs de la crise semblent porter leurs fruits. Les attaques rebelles se font de plus en plus rares et les deux chefs d’États se disent prêts à renouer définitivement le dialogue. En signe de bonne volonté, El-Béchir a même expulsé mardi, à la veille de son arrivée pour le sommet de la Censad, les trois principaux chefs armés tchadiens qui vivaient au Soudan.
Un processus de détente chaotique
La détente entre N’Djamena et Khartoum a véritablement commencé en janvier dernier, avec la signature entre les représentants des deux parties d’un accord de normalisation, assorti d’un protocole de sécurisation de la frontière soudano-tchadienne. Une force mixte de défense de la ligne de démarcation y est déployée depuis le mois de mars et la solution militaire pour régler le conflit a été définitivement abandonnée. Chacun des deux chefs d’État a appelé les rébellions qu’il protégeait à déposer les armes et à entrer dans le processus de Doha.
L’accord de Doha (Qatar), signé le 3 mai 2009, scellait donc déjà la réconciliation entre Déby et El-Béchir. Il ouvrait la voie, également, à la reprise de relations diplomatiques interrompues en mai 2008, lorsque les rebelles soudanais –le Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM), le plus militarisé des groupes rebelles du Darfour– avaient attaqué Khartoum et mis à mal l’accord de Dakar, mort-né deux mois plus tôt.
Mais quelques jours après sa signature, le compromis de Doha était déjà violé par le Tchad. Invoquant le « droit de poursuite », Idriss Déby Itno lançait en effet à la mi-mai 2009 des raids aériens de l’autre côté de la frontière, en territoire soudanais, pour prendre en chasse les mercenaires tchadiens « à la solde du Soudan ».
À la suite de ces attaques, la reprise des hostilités semblait se profiler. Des tractations diplomatiques soigneusement menées des deux côtés ont finalement permis d’aboutir à la signature de l’accord de normalisation du mois de janvier, puis de la reprise des relations diplomatiques entre Khartoum et N’Djamena, les 8 et 9 février, lorsqu’Idriss Déby Itno a effectué une très attendue visite officielle en « territoire ennemi », la première depuis 2004. Quelques mois plus tard, en mai, il expulsait du Tchad Khalil Ibrahim, le chef du JEM qu’il soutenait jusqu’alors.
El-Béchir en sécurité au Tchad
La réconciliation soudano-tchadienne est un signe fort, puisqu’elle représente un élément majeur du processus de paix au Darfour. En effet, si le JEM, le groupe armé qui y sévit le plus, n’est plus soutenu par le Tchad, sa force de frappe sur le Soudan en sera considérablement diminuée. Un accord entre le gouvernement soudanais et la rébellion s’en trouverait dès lors facilitée, à condition que le JEM accepte enfin de participer aux négociations de Doha.
Pour l’heure, les deux présidents s’affichent ensemble, symbole d’une relation apaisée et d’une confiance retrouvée. Au point que le Tchad a claironné mercredi qu’il ne ferait jamais arrêter El-Béchir sur le sol tchadien, en dépit du mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) lancé contre le président soudanais. Et bien que le Tchad soit signataire des Statuts de Rome et est donc censé reconnaître l’existence de la Cour et les décisions qui en émanent.
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