Quel avenir pour les réfugiés ?
Les milliers de Rwandais encore réfugiés à l’étranger, pour la plupart en Afrique subsaharienne, pourraient perdre leur statut l’an prochain. Et devraient ainsi voir leur sort remis en question, entre pays d’accueil et terre d’origine. Entre rêve de retour et traumatisme du génocide.
«Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) est actuellement en discussion avec les gouvernements des pays hôtes, afin de voir s’il est possible d’appliquer une clause de cessation en 2011», déclare Fatoumata Lejeune-Kaba, porte-parole Afrique du HCR.
À l’activation de cette clause de cessation, les réfugiés rwandais ne seront plus considérés comme tels. La Convention de Genève, signée en 1951, prévoit en effet qu’une clause de cessation peut être appliquée en cas de « circonstances ayant cessé d’exister ». Conséquence : les anciens réfugiés ne seront plus protégés par la législation internationale. Les pays d’accueil pourront les renvoyer vers le Rwanda.
Dans cette perspective, l’organisme onusien facilite, dès à présent, le rapatriement des personnes qui souhaitent rentrer chez eux. Mais ensuite, une fois la clause appliquée, il reviendra à chaque pays d’accueil de gérer le sort des anciens réfugiés – leur régularisation, ou leur expulsion. Que se passera-t-il pour ceux qui ne souhaitent pas retourner au Rwanda ?
De l’Ouganda à la Zambie
Environ 75 000 Rwandais vivent encore hors de leur pays, réfugiés pour la plupart en Afrique subsaharienne et, en premier lieu, en RD Congo (22 000), en Ouganda (16 000), au Congo-Brazzaville, en Zambie et en Tanzanie. En Europe, ils sont surtout présents en France (2 000) et en Grande-Bretagne (1 700).
Les premiers réfugiés ont fui avant et pendant le génocide, qui a duré d’avril à juillet 1994. Les seconds sont partis à la fin des tueries par crainte de représailles, quand le Front patriotique rwandais (FPR) a commencé à prendre le dessus, en août.
Craintes de répression
« On se rend compte que certains croient qu’il y a toujours la même animosité, que c’est presque la guerre », souligne Fatoumata Lejeune-Kaba. En effet, certains réfugiés ont peur d’être discriminés au Rwanda, voire pire. « Les raisons qui nous ont poussés à quitter notre patrie sont encore là », estiment ainsi des réfugiés rwandais au Cameroun dans une lettre adressée au HCR en 2008, et qui s’en prennent au régime de Paul Kagamé.
D’autres, en Ouganda par exemple, évoquent des persécutions de réfugiés hutus de la part des autorités de Kigali : « Nos vies sont en danger. Nous craignons à tout moment d’être tués par des espions rwandais », exprime l’un d’eux, Hope Semukanya, qui témoigne dans un rapport publié fin juin par des organisations des droits de l’homme.
Quatre options
Quoi qu’il en soit, pour le HCR, la répression à l’encontre des réfugiés n’est plus une réalité au Rwanda, et ce sentiment de terreur est souvent le fruit d’un traumatisme. L’indice le plus flagrant pour l’organisme onusien ? Sur les 3,3 millions de réfugiés rentrés au Rwanda entre 1994 et 2009, plus de 90 % sont restés dans le pays, sans chercher à repartir. Une proportion relativement faible de postulants à un nouveau départ, en comparaison d’autres déplacements de population déjà observés dans d’autres zones de conflit.
Pour les futurs ex-réfugiés rwandais, le HCR souligne que « trois options sont possibles » : rentrer au Pays des Mille Collines, réussir à être naturalisés dans leur pays d’accueil, ou bien demander l’asile. Ce dernier statut ne pourra être obtenu que de manière individuelle, selon le bon vouloir des pays hôtes.
Une clause de cessation est toujours assortie d’exceptions, précise Fatoumata Lejeune-Kaba : « Le traumatisme vécu au Rwanda peut ainsi être pris en compte, la bonne insertion dans le pays hôte aussi. » En Afrique de l’Ouest ou centrale par exemple, les Rwandais sont souvent bien intégrés. Diplômés pour la plupart, ils ont un travail et des conditions de vie convenables dans certains pays, comme au Cameroun. Les perspectives que leur offre un retour au Rwanda ne leur plaisent guerre : sans terre, sans travail… Dans de tels cas, le HCR peut émettre des recommandations à propos de certains candidats à la naturalisation, pour appuyer leur demande auprès du pays hôte.
Enfin, il existe une dernière solution, plus discrètement évoquée par le Haut Commissariat aux réfugiés : la réinstallation. Selon un programme onusien, les réfugiés n’étant en sécurité ni dans leur pays d’origine, ni dans leur pays d’accueil, peuvent demander à s’installer dans un pays tiers. Mais seulement 1 % des personnes relevant du HCR peuvent en bénéficier. Une procédure qui permettrait donc à une poignée de Rwandais de s’installer dans des pays occidentaux.
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