La Bourse de Casablanca peine à se relancer
Jugée trop chère et manquant de liquidité, la Bourse de Casablanca n’est plus considérée comme un « marché émergent » par le fournisseur d’indices MSCI. Un déclassement qui pourrait, paradoxalement, lui profiter.
La période de vaches maigres semble interminable à la Bourse de Casablanca : l’indice Masi, qui mesure la performance globale du marché, a chuté d’environ 5 % depuis le début de l’année, après avoir enregistré un recul de plus de 15 % en 2012. La Place marocaine souffre d’un manque chronique de liquidité et peine à attirer les investisseurs. Les raisons ? Elles sont multiples. Parmi elles figurent les promesses non tenues de la fusion entre les deux holdings royaux, la Société nationale d’investissement (SNI) et l’Omnium nord-africain (ONA). En 2010, ONA a été absorbé par SNI et les actions des deux groupes ont été retirées du marché. Un coup dur pour la Bourse de Casablanca. « Cette opération a été peu profitable en termes de capitalisation boursière et de volume, ce qui ne permet pas d’attirer les investisseurs étrangers », analyse Kais Kriaa, directeur de la recherche au sein du cabinet indépendant tunisien AlphaMena.
Les dirigeants de l’époque avaient promis de compenser cette perte en capital flottant (titres potentiellement négociables sur le marché) par l’introduction de neuf filiales matures du nouveau holding, mais, plus de trois ans après l’opération, les investisseurs attendent toujours. Quatre d’entre elles ont été cédées (partiellement ou totalement), mais sans passer par la Bourse.
Long terme
Avec la crise internationale, les introductions ont été réduites à la portion congrue. En 2012, ce type d’opérations n’a généré que 26,6 millions de dirhams (2,4 millions d’euros), contre 3,9 milliards de dirhams en 2008. Et aucune introduction n’est pour l’instant prévue en 2013, alors que la Bourse de Tunis devrait, de son côté, en enregistrer une dizaine. Résultat : la part de capital flottant à Casablanca atteignait 23,03 % l’an passé, au lieu des 25,99 % enregistrés en 2008.
Deux autres raisons expliquent le manque de liquidité de la Place casablancaise. D’abord, la faible proportion d’investisseurs particuliers susceptibles d’y réaliser des opérations. « Le marché est largement dominé par les investisseurs de long terme, comme les sociétés d’assurances et les caisses de retraite. Ce facteur freine les échanges et donc la liquidité », confirme Sébastien Hénin, gérant de portefeuilles pour la région Afrique du Nord et Moyen-Orient chez The National Investor, une banque d’affaires basée aux Émirats arabes unis.
Casablanca pâtit également de sa cherté. « La valorisation du marché actions reste trop élevée, estime Sebastian Kahlfeld, gérant de fonds sur les actions émergentes chez Deutsche Asset & Wealth Management (filiale de Deutsche Bank). Nous ne détenons pas de valeurs marocaines dans notre fonds phare, DWS Invest Africa. » Dans sa dernière revue trimestrielle, parue fin mars, Sogécapital Bourse, la filiale marocaine d’intermédiation boursière du groupe français Société générale, classe Casablanca deuxième Bourse arabe la plus chère, après celle de Tunis.
Dernière illustration des difficultés de la Place marocaine : le 11 juin, le fournisseur d’indices MSCI a annoncé qu’elle ne figurerait plus dans son indice « marchés émergents » (MSCI Emerging Markets) à partir du mois de novembre. Casablanca sera reclassé dans l’indice « frontière » (MSCI Frontier Markets). Il faut dire que le volume moyen échangé quotidiennement sur le marché central a fondu, de 325 millions de dirhams en 2008 à 131 millions en 2012. En avril, il est même tombé à 86 millions de dirhams, soit un volume équivalent à la Bourse de Tunis, pourtant bien plus petite.
Lire aussi :
Maroc : MSCI rétrograde Casablanca
Maroc : au coeur de la salle des marchés de l’OCP
Cible prioritaire
Dès lors, faut-il craindre une sortie massive de capitaux étrangers, qui rendrait le marché encore plus atone ? Sébastien Hénin relativise : « Le Maroc a un poids négligeable dans l’indice MSCI Emerging Markets. De fait, Casablanca n’est pas une cible prioritaire des gérants de fonds. » Le reclassement du Maroc en pays « frontière » peut même être considéré comme positif, selon Sebastian Kahlfeld. « Certes, les investissements dans les marchés frontières sont beaucoup moins importants que dans les marchés émergents, mais le Maroc aura un public plus large dans son nouveau groupe puisque la majorité des pays [qui y figurent] ont des marchés d’actions moins développés », explique-t-il.
Le royaume sera en effet le troisième pays du MCSI Frontier Markets (qui attire quelque 10 milliards de dollars d’actifs sous gestion), derrière le Koweït et le Nigeria, avec un poids de 7 % et une dizaine de valeurs intégrées à l’indice. « Les gérants suivant cette classe d’actifs ne pourront pas ignorer ce pays », ajoute Sébastien Hénin. Mais en attendant novembre, la Bourse de Casablanca n’est pas encore sortie de sa torpeur.
L'éco du jour.
Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Économie & Entreprises
- La Côte d’Ivoire, plus gros importateur de vin d’Afrique et cible des producteurs ...
- Au Maroc, l’UM6P se voit déjà en MIT
- Aérien : pourquoi se déplacer en Afrique coûte-t-il si cher ?
- Côte d’Ivoire : pour booster ses réseaux de transports, Abidjan a un plan
- La stratégie de Teyliom pour redessiner Abidjan