À la tête d’Oragroup, Patrick Mestrallet enchaîne les défis

Ingénieur devenu banquier, Parisien installé en Afrique, le directeur général d’Oragroup Patrick Mestrallet finalise l’une des plus importantes opérations de sa riche carrière.

Patrick Mestrallet a rencontré l’Afrique à 25 ans, lorsqu’il était professeur coopérant à Mondoukou, dans le nord-est de la Côte d’Ivoire.

Patrick Mestrallet a rencontré l’Afrique à 25 ans, lorsqu’il était professeur coopérant à Mondoukou, dans le nord-est de la Côte d’Ivoire.

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 11 juillet 2013 Lecture : 4 minutes.

« Pour réussir dans la banque, il faut de l’organisation, de la rigueur et du bon sens. Mais pour se démarquer et aller plus vite que la concurrence, il faut ajouter à tout cela de l’intuition et de l’audace. » En cette maxime, Patrick Mestrallet, bientôt 62 ans, croit dur comme fer. Et jusqu’ici, avec raison.

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Autour de Financial Bank, l’établissement de taille moyenne racheté en 2009 par le capital-investisseur panafricain Emerging Capital Partners (ECP) puis rebaptisé Oragroup en 2011, il est en train de bâtir un groupe régional. Les autorités bancaires de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) doivent examiner le 28 juin le dossier de sa dernière acquisition, celle de la Banque régionale de solidarité (BRS). Elles devraient donner leur feu vert. Patrick Mestrallet deviendra alors le patron d’un des principaux réseaux bancaires d’Afrique occidentale francophone, présent dans douze pays (contre six actuellement).

Un joli coup pour l’administrateur directeur général d’Oragroup, qui, pour mieux orchestrer la stratégie d’ensemble, a renoncé en début d’année au poste de directeur général de la filiale togolaise (la plus importante du groupe) qu’il occupait en parallèle. « Patrick Mestrallet a une connaissance remarquable de l’UEMOA, une bonne compréhension des marchés de cette zone et est capable de monter des opérations hors pair », souligne Vincent Le Guennou, co-PDG d’ECP et président du conseil d’administration d’Oragroup.

Fabuleuses années

Affable, le rire facile, le Parisien – il est né à Montmartre, dans le 18e arrondissement – s’est passionné très jeune pour l’Afrique. Dernier d’une fratrie entièrement formée dans les grandes écoles françaises, il est lui-même ingénieur diplômé de Supélec et docteur en finance de l’université Paris-Dauphine. Il aurait pu marcher sur les traces de son frère Gérard, 64 ans, polytechnicien et énarque, qui dirige actuellement le groupe énergétique français GDF Suez, ou pourquoi pas sur celles de Michel, 66 ans, diplômé de l’École nationale supérieure de l’électronique et de ses applications (Ensea), qui a dirigé plusieurs sociétés avant de prendre sa retraite.

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Mais c’était sans compter sur sa rencontre, à 25 ans à peine, avec le continent. Dans le cadre de son service militaire, Patrick Mestrallet est professeur coopérant à Mondoukou, dans le nord-est de la Côte d’Ivoire. « Le lycée du village ouvrait ses classes de première et de terminale. Mon épouse et moi y avons passé deux fabuleuses années, se souvient-il. Et depuis, je ne m’en suis pas remis. »

Goût

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De retour en France, il enseignera la finance à l’École des hautes études commerciales (Edhec), à Lille, dans le Nord. Il entre ensuite à l’Institut du développement industriel (IDI, un pionnier du capital-investissement dans l’Hexagone, ciblant les PME), où il est responsable des secteurs du bois, des jouets et du cuir. Avant que le goût de l’Afrique le reprenne. En 1987, il devient conseiller du ministre djiboutien de l’Économie. Depuis, il n’a plus quitté le continent, jouant des rôles de premier plan dans quatre banques et deux fonds d’investissement (Fiaro, à Madagascar, en 1988, et, quelques années plus tard, Cauris Investissement, à Lomé).

Il connait très bien l’UEMOA et sait monter des opérations hors pair.
Vincent Le Guennou, Président d’Oragroup

Un parcours riche, construit aussi grâce à une succession de rencontres professionnelles. Comme celle avec Paul Derreumaux, l’ex-PDG de Bank of Africa (BOA), qu’il a connu au conseil d’administration de Cauris et qui lui propose de rejoindre son groupe. De 1997 à 2001, Mestrallet passe donc quatre ans à Abidjan en tant que directeur général adjoint de BOA Côte d’Ivoire. C’est à cette époque qu’il croise Vincent Le Guennou. Le futur dirigeant d’ECP est alors directeur central des finances et de la gestion de la Compagnie ivoirienne d’électricité. « Notre relation était celle qui peut exister entre un banquier et son client, se souvient-il. J’ai suivi ensuite le remarquable travail qu’il a mené à Dakar en faisant de CBAO [Compagnie bancaire de l’Afrique occidentale] la première banque du Sénégal et l’une des principales d’Afrique de l’Ouest, damant le pion à ses concurrents internationaux. »

Car chez BOA Côte d’Ivoire, le banquier fait une autre rencontre. Il compte parmi ses clients les Grands Moulins d’Abidjan, propriété du groupe Mimran (qui détient aussi les Grands Moulins de Dakar et la Compagnie sucrière sénégalaise). « Nous avions de bons rapports, explique le Français. Lorsque Jean-Claude Mimran cherchait un directeur pour sa banque [CBAO], ses directeurs généraux lui ont proposé mon nom. » Après un aller-retour entre Abidjan et Monaco pour rencontrer l’homme d’affaires franco-sénégalais, Patrick Mestrallet entame une nouvelle étape de sa carrière – la plus connue – à la tête de CBAO. Il multipliera par quatre le total de bilan, le produit net bancaire et les bénéfices de l’établissement.

Bénéficiaires

Son nouveau défi est sans doute plus vaste encore. Car si le rachat de BRS va permettre à Oragroup de prendre pied sur deux de ses marchés cibles (la Côte d’Ivoire et le Sénégal), cette banque est loin d’être une pépite d’or. L’assureur ivoirien NSIA, qui s’y est intéressé avant de se retirer, avait estimé qu’il faudrait au minimum 107 millions d’euros pour la remettre sur les rails. « Lorsque notre actionnaire majoritaire [ECP] a racheté Financial Bank, beaucoup étaient sceptiques. Mais nous avons réussi à redresser l’établissement. Cela fait partie de notre savoir-faire », rappelle Patrick Mestrallet. Toutes les filiales d’Oragroup sont en effet bénéficiaires. Et la filiale togolaise est « passée de 4 % à 12 % de part de marché en deux ans ». Un point de plus pour le banquier.

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