France : un naufrage trop prévisible

L’équipe de France, battue par le Mexique (2-0), s’est abîmée jeudi soir dans la froide nuit de Polokwane. Elle est aujourd’hui proche de la sortie après seulement deux matchs. Mais pour nos consultants Abdeslam Ouaddou et Pierre Lechantre, ce n’est vraiment pas une surprise…

William Gallas, après la défaite contre le Mexique, le 17 juin. © D.R.

William Gallas, après la défaite contre le Mexique, le 17 juin. © D.R.

Alexis Billebault

Publié le 19 juin 2010 Lecture : 3 minutes.

Il y a comme un sentiment de déjà vu au lendemain de la déprimante prestation de l’équipe de France, qui devrait – sauf miracle – abréger son séjour cinq étoiles en Afrique du Sud. Le fiasco total, bien sûr, peut encore être évité si le Mexique et l’Uruguay ne font pas match nul et si la France parvient à battre l’Afrique du Sud mardi 22 juin. Mais la décence et la lucidité n’incitent-t-elle pas à balayer d’un geste cette hypothèse devenue inaccessible pour cette pseudo-équipe ?

Au lendemain du désastre, personne n’a le cœur à l’optimisme. « Il reste une chance sur cent, mais mentalement, les joueurs n’y sont plus », assure Abdeslam Ouaddou. Mais ne peut-on pas dire qu’ils ne « sont » plus à rien depuis longtemps ? Depuis ce jour de juin 2008, après une élimination au premier tour d’un Euro qui aurait dû annoncer le crépuscule de la carrière de Raymond Domenech à la tête de l’équipe de France ?

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Entre cynisme et mépris

« Il fallait changer les choses, repartir sur de nouvelles bases », avance Pierre Lechantre. « Cet échec en Afrique du Sud n’est pas surprenant pour ceux qui connaissent un peu le foot. Depuis deux ans, on ne construit rien », ajoute l’international marocain. Mais par souci d’économie (un peu), et surtout parce qu’elle concentre les incompétences, la Fédération française de football a préféré laisser les clés de la maison des Bleus à un homme sans vraie ligne de conduite, mais prêt à mourir avec ses pauvres idées. « Il m’a donné l’impression de mettre onze joueurs pas vraiment complémentaires, de subir les évènements », poursuit Lechantre depuis Sfax (Tunisie), où il vient de prendre en mains les destinées du club local.

Mais désigner l’ex-futur sélectionneur de l’équipe de France comme l’unique responsable de cette mauvaise farce est une tentation trop facile. « Tout le monde est coupable », assène Lechantre. Bien sûr, Domenech s’est enfermé dans une logique de communication oscillant entre le cynisme et le mépris envers la presse et les supporteurs des Bleus. Une logique dans laquelle plusieurs joueurs se sont engouffrés sans avoir vraiment à forcer leur nature.

Des cadres égocentriques et inefficaces

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Le giron fédéral, même s’il a envoyé au front certains de ses fidèles soldats pour nier son évidente responsabilité, ne pourra pas s’exonérer de quelques explications. Mais il y a aussi les joueurs, ou plutôt quelques supposés cadres ivres d’eux-mêmes et dont l’attitude de starlettes insupportables a atteint son paroxysme en Afrique du Sud. Certains – William Gallas, Franck Ribéry et l’exaspérant Nicolas Anelka – ont usé de leur influence pour avoir la peau de Yoan Gourcuff, relégué sur le banc de touche face au Mexique parce que trop belle gueule et trop intelligent pour ces esprits étriqués.

Mais sur le terrain, ils n’ont jamais justifié leur statut de leaders autoproclamés. N’est pas Platini ou Zidane qui veut… « Domenech aurait dû prendre Vieira, qui est un leader », avance Ouaddou. Ces comportements de petits caïds reflètent la réalité d’une équipe de France rongée par le clanisme et les egos d’hommes dont l’avenir, pour plusieurs d’entre eux, aurait emprunté des chemins beaucoup plus improbables si la providence ne leur avait pas offert quelques dons avec une boule de cuir.

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Sables mouvants

« C’est sûr qu’en se coupant de tout le monde comme elle l’a fait, cette équipe a suscité un désamour profond. Et aujourd’hui, certains se lâchent. Cela ne m’étonne pas et toute la France pointe du doigt certains joueurs et le sélectionneur », ajoute Ouaddou, qui ne veut pas, néanmoins, « tirer sur une ambulance. » « Des joueurs ont lâché le coach, dont on se demande jusqu’où va son influence. Je ne suis pas loin de penser que ce sera bientôt le grand déballage », estime Lechantre. « Blanc va devoir trancher. Des internationaux actuels ne méritent plus d’être sélectionnés. Et d’autres devront changer d’attitude. Et puis, au risque de passer pour un vieux con, ça m’énerve de voir des mecs qui donnent l’air de se moquer d’être là quand on joue la Marseillaise. L’équipe de France, cela représente quelque chose. »

La probabilité d’une qualification pour les huitièmes de finale n’effleure plus même les rares esprits modérés. Les Bleus seront probablement dans l’avion du retour mercredi prochain et pourront partir en vacances, loin d’un débat qui ne fait que commencer. Laurent Blanc, qui prendra ses fonctions en juillet prochain, va devoir bâtir sur des sables mouvants. On lui souhaite bien du plaisir…

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