Cela fait longtemps que Rabah Saâdane ne se berce plus d’illusions sur la nature humaine. Surtout quand il s’agit de football – la bagatelle la plus sérieuse du monde. En Algérie, où tout est souvent passionnel et où journalistes et supporteurs entretiennent avec la sélection nationale une relation d’amour vache, la défaite inaugurale contre la Slovénie a offert à certains l’occasion de déverser leur fiel sur un homme considéré il y a encore quelques mois comme un héros national.

« Je ne lis pas les journaux, je ne sais pas trop ce qui se raconte, même si certains échos remontent jusqu’à moi », assure le sélectionneur algérien, contacté jeudi soir par jeuneafrique.com. « Certains oublient d’où on vient. C’est presque un miracle que nous soyons en Coupe du monde. Alors oui, il y a des critiques qui me touchent… »

Sans qu’on le force, avec le naturel et la liberté de parole qui le caractérise, Rabah Saâdane revient sur l’échec contre la Slovénie qui compromet tant les chances de la Verte. « Nous n’aurions pas dû perdre (ce match, NDLR), c’est vrai. Nous aurions même dû le gagner. Mais à partir du moment où nous nous sommes retrouvés à dix contre onze après l’expulsion de Ghezzal (l’attaquant de Sienne, NDLR), nous avons perdu le match. »

Rien à perdre, tout à gagner

Si Saâdane juge sévérement la faute professionnelle de Ghezzal, il n’en va pas de même pour Fawzi Chaouchi, pourtant coupable d’une énorme bourde sur le but slovène. Face à l’Angleterre, s’il est remis de sa blessure au genou, le gardien de Sétif bénéficiera de la confiance indéfectible de son sélectionneur : « Il a fait une erreur, cela arrive aux meilleurs. Nous avons fait un très bon match contre la Slovénie, qui n’est pas une petite équipe. Oui, un très bon match, car il ne faut pas oublier que notre préparation a été perturbée par les blessures, et qu’il a presque fallu reconstruire une équipe, lors du dernier match amical face aux Émirats Arabes Unis (1-0), le 5 juin dernier. »

Souvent, le sélectionneur des Fennecs rappelle que « l’objectif est atteint » avec cette présence en Coupe du monde après vingt-quatre longues années d’éclipse. Un argument qui n’a pas convaincu tout le monde en Algérie, certains y voyant l’expression d’une ambition minimaliste.

« Je le répète, nous venons de très loin. Nous sommes là pour apprendre, gagner en expérience, mais cela ne signifie pas que nous manquions d’ambition. Nous avons encore nos chances dans ce groupe », clame Saâdane. Le rendez-vous manqué contre des Slovènes à la fois attentistes et opportunistes oblige les Fennecs à ne pas perdre, vendredi soir, face à une Angleterre que le match nul devant les États-Unis (1-1) a placée devant ses responsabilités.

Besoin de fraîcheur et d’insouciance

« Ce sera très compliqué pour nous, mais aussi pour eux, affirme Saâdane. L’équipe a bien travaillé à l’entraînement. Les cadres, tels Yahia, Bougherra ou Ziani, tirent l’équipe vers le haut et physiquement, les joueurs reviennent à leur meilleur niveau », insiste-t-il, sans nier l’immensité de la tâche qui attend les siens vendredi à la pointe de l’Afrique.

L’Angleterre de Fabio Capello, installée presque tout en haut de la pile des favoris, a du vague à l’âme depuis le match nul concédé face aux cousins américains. Les Anglais, parce que c’est « inscrit dans leurs gènes », ne calculeront pas, et ce style de jeu pourrait paradoxalement permettre aux Nord-Africains de mieux exprimer leurs qualités. « Il faudra résister à la pression qu’ils vont imposer, s’adapter à leur jeu et profiter des contres. »

Pour apporter un peu de fraîcheur et d’insouciance, Saâdane réfléchit sérieusement à lancer dans le grand bain Ryad Boudebouz, cantonné au banc de touche dimanche dernier par la force des choses. Mais il n’est pas question de Mansouri, capitaine déchu et sacrifié sur l’autel de la complémentarité naissante entre Lacen et Yebda. Le football, aussi, a la mémoire courte…

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