Les trompettes de la discorde
Entre respect de la culture sud-africaine et défense des oreilles – et du bien-être -, la polémique gronde autour de l’usage des vuvuzelas dans les stades. Les organisateurs du Mondial se sont saisis de la question. L’interdiction de l’instrument a été évoquée… puis écartée.
À peine trois jours que le Mondial a commencé et, déjà, le monde entier semble pris d’une profonde aversion pour d’inoffensives trompettes. Inoffensives ? Si les vuvuzelas, accessoire fétiche des supporteurs sud-africains, sont d’abord un symbole de la culture nationale, elles produisent un son dont le niveau (100 à 130 décibels) peut occasionner d’importantes pertes auditives. Surtout, leur vrombissement continuel pendant les matchs agace profondément nombre de sportifs et de spectateurs.
Communiquer par gestes
Dans le monde entier, des téléspectateurs ont découvert cette « musique » particulière et sont déjà lassés par le bruit de fond incessant qui emplit leur salon. Certaines chaînes, comme TF1, en France, ont reçu quantité de plaintes du public, ignorant si le son qui accompagnait le match de son pays, vendredi, était lié ou non à un problème technique.
Certains joueurs, non plus, n’apprécient pas cette ambiance quelque peu… bruyante. « On ne s’entendait pas avec tout le bruit dans le stade », a ainsi déclaré le joueur français Yohann Gourcuff, à l’issue de la rencontre de son pays contre l’Uruguay (0-0). « C’est la première fois que cela m’arrive. On ne pouvait communiquer que par des gestes. […] C’est une des explications parmi d’autres aux quelques problèmes de placement et de passes ratées qu’on a connus. » Dimanche, le Portugais Cristiano Ronaldo s’est, lui aussi, dit gêné par les vuvuzelas : « Beaucoup de joueurs n’aiment pas ça, a-t-il commenté. Mais il faut respecter. »
Le sélectionneur uruguayen, Oscar Tabarez, a également fait part de ses difficultés à se faire comprendre de ses joueurs pendant la rencontre. Le patron de l’équipe néerlandaise, Bert van Marwijk, a même interdit les trompettes pendant les entraînements : « C’était agaçant et je n’arrivais pas à me faire entendre […] Ça ne sert à rien de s’entraîner si je ne peux pas parler à mes joueurs. »
L’étonnement, puis l’irritation, a également commencé à gagner les médias étrangers. Les commentateurs sportifs, pourtant équipés, pour la plupart, de micros multidirectionnels permettant de réduire le son d’ambiance, ont éprouvé les plus grandes difficultés à faire passer leur message. Samedi, le quotidien populaire allemant Bild titrait : « Vous nous tapez sur les nerfs !» « Une vuvuzela est amusante […], estimait, de son côté, le quotidien uruguayen El Observador, samedi. Mais quand un stade entier souffle, le bruit se transforme en torture. »
« Un phénomène culturel »
Face à l’ampleur de la gronde, le Comité organisateur du Mondial (LOC) s’est saisi du problème. Allant jusqu’à évoquer, dimanche, une interdiction des vuvuzelas dans les stades : « Nous essayons de mettre de l’ordre, a déclaré le responsable du LOC, Danny Jordaan, à la chaîne de télévision britannique BBC. Si un pays en lice se plaint, nous agirons. Nous avons aussi entendu les télévisions et les spectateurs et c’est quelque chose à quoi nous réfléchissons. »
Des propos aussitôt tempérés par le responsable de la communication du Comité, Rich Mkhondo : « Pour clarifier ce que Jordaan a dit : si les vuvuzelas sont utilisées pour attaquer ou blesser d’autres supporteurs, ou jetés sur le terrain pendant un match, nous réfléchissons aux moyens d’empêcher les gens de les emporter avec eux au stade. » « Les vuvuzelas sont un phénomène culturel lié à notre pays et au football », a-t-il précisé.
La Fédération internationale de football association (Fifa), qui avait défendu, lors de la Coupe d’Afrique des nations de juin 2009, « la culture du bruit » liée au football en Afrique, avait quelque peu limité l’usage des vuvuzuelas : le public est prié de ne pas souffler pendant les hymnes, les discours et les cérémonies. « Les spectateurs ont très bien respecté cela », a précisé, samedi, Nicolas Maingot, un porte-parole de la Fifa, qui n’a jamais évoqué une interdiction des trompettes sud-africaines.
En attendant, certains se frottent les mains. Depuis l’ouverture du Mondial, les spectateurs ont découverts les Vuvu-Stop, des bouchons d’oreille qui permettent de réduire le bruit ambiant de 30 décibels. Et, depuis trois jours, les Vuvu-Stop sont pris d’assaut.
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