Mondial : un électrochoc contre le sida ?

Avec un événement comme la Coupe du monde de football, l’Afrique du Sud espère accentuer la lutte contre le fléau du sida. Président, sportifs, associations : les initiatives se multiplient pour alerter les consciences, alors que la Fifa est accusée par des associations de ne pas jouer le jeu de la prévention à 100 %. Reportage.

Le président Jacob Zuma a montré l’exemple en se faisant dépister, le 25 avril 2010. © Ntswe Mokoena

Le président Jacob Zuma a montré l’exemple en se faisant dépister, le 25 avril 2010. © Ntswe Mokoena

Publié le 12 juin 2010 Lecture : 3 minutes.

Dans un pays fortement touché par le virus du sida, un événement de l’ampleur d’une Coupe du monde de football peut faire peur. En Afrique du Sud, plus de 12 % de la population est séropositive. Et pour le Mondial, quelque 40 000 prostituées – dont la moitié, selon des chiffres de l’Unicef, ont le VIH – seront rejointes par 40 000 autres femmes des quatre continents. Le pire est donc à craindre en termes de propagation de la maladie, avec 300 000 touristes attendus sur le sol sud-africain… Alors, le sida va-t-il gâcher la fête ? Pas forcément.

Car le Mondial peut être une formidable occasion de réveiller les consciences et de sensibiliser la population. Le président Jacob Zuma a, le premier, « montré l’exemple » en effectuant un test dont il a communiqué le résultat – négatif – aux Sud-Africains, le 25 avril. Ce faisant, il a donné le coup d’envoi d’une grande campagne de testing et de sensibilisation basée sur le volontariat. Objectif : dépister 15 millions de Sud-Africains d’ici à juin 2011.

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Dépistage instantané

À l’approche de la compétition, dans la foulée de la campagne, les initiatives se sont multipliées pour inciter les Sud-Africains à prendre la mesure du fléau. Lors des rencontres de football, notamment. Ainsi, le 16 mai, à Soweto, des associations ont incité l’équipe semi-professionnelle des Ladies de Soweto, qui jouait contre Pretoria, à créer l’événement. À la mi-temps, la coach, Fikile Sithole, emmène quelques-unes de ses joueuses vers l’infirmerie mobile qui stationne un peu plus loin. Là, devant les caméras, elle tend son bras pour une prise de sang.

Les "Ladies de Soweto", le 16 mai 2010 à Soweto (photo : Lauranne Provenzano)

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Le « centre de dépistage » est installé sur un coin de pelouse. Toutes les personnes de plus de 14 ans peuvent faire le test. Après la prise de sang, elles sont orientées sous une tente pour trouver informations, tracts, préservatifs gratuits et conseillers bénévoles. L’analyse, grâce à une nouvelle méthode, est quasiment instantanée et un espace confidentiel a été aménagé pour les personnes dont le résultat est positif. Si elles le souhaitent, elles peuvent ainsi bénéficier d’un accompagnement médical et d’un suivi familial.

Le public a aussi pu voir Ronny Zondi, ancien joueur professionnel de football et célébrité locale – il a grandi à Soweto. Après avoir répondu aux questions des journalistes et s’être fait photographier avec des admiratrices, il est allé retrousser ses manches devant l’infirmière. Engagé dans la lutte anti-VIH auprès du Conseil national sud-africain de lutte contre le sida (Sanac), Zondi est un habitué de ce genre d’actions. « Il est nécessaire, dans un pays comme le nôtre, de connaître son statut [sérologique, NDLR]. Il est encore plus important pour moi d’effectuer ce test ici, aujourd’hui. C’est un signe fort que j’adresse à la communauté de Soweto, en agissant comme un leader et en leur montrant le chemin », a expliqué le sportif.

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L’infirmerie mobile, flambante neuve, sur la pelouse du stade. (photo : Lauranne Provenzano)

Reste à prolonger l’effet « Coupe du monde », et à éviter que l’élan ne retombe au lendemain de la finale… « [Nous donnerons] à cette campagne une telle ampleur que personne, en Afrique du Sud, ne pourra ensuite oublier l’électrochoc », déclare simplement Junaid Seedat, le directeur de communication du Sanac.

« Ne pas tout mélanger »

La Fédération internationale de Football association (Fifa), avec les moyens médiatiques, financiers et marketing dont elle dispose, pourrait donner à ce type d’initiatives un retentissement sans précédent. Elle a d’ailleurs beaucoup communiqué sur son programme visant à construire en Afrique du Sud, en 2010, 20 centres de formation ouverts aux jeunes et « dédiés à la santé publique, à l’éducation et au football dans des communautés défavorisées ». Des écoles destinées à former de futurs sportifs et qui comprennent aussi des cours sur la santé et les risques sanitaires.

Pourtant, du 11 juin au 11 juillet, on ne devrait pas entendre beaucoup parler du sida dans les stades. Contactée par jeuneafrique.com, la Fifa a laissé entendre qu’aucun événement particulier n’était prévu. Le 3 juin, plusieurs associations sud-africaines sont d’ailleurs montées au créneau pour dénoncer un « blocage » des actions de prévention : « À l’heure actuelle, écrivent-elles dans un communiqué, la Fifa n’a autorisé aucune association à distribuer des informations sur le sida (…) ou des préservatifs dans les stades et les fans parks. »

« Ni la Fifa, ni le comité local d’organisation n’ont bloqué la moindre activité » de la campagne de lutte contre le VIH, rétorque la Fifa, soulignant que « des millions de préservatifs et de brochures d’information sur le sida seront distribués durant le Mondial ». Seront-ils en libre-accès dans les toilettes des stades ou aux abords des tribunes ? En réalité, les seules manifestations d’envergure seront organisées en marge des rencontres. Loin des médias et des spectateurs. Car la Fifa, explique Junaid Seedat « ne veut pas tout mélanger ».

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