G8 : Vive le commerce ! À bas les paradis fiscaux !
Le sommet des huit pays les plus industrialisés paraissait mal engagé. Il a finalement abouti à des décisions importantes. À condition, bien sûr, qu’elles soient appliquées.
Finalement, le style informel du G8 – plus souple que celui du G20 en raison du moindre nombre de participants – a permis de contourner ces obstacles initiaux. Avant même que les travaux du groupe ne commencent, Obama et Cameron ont entonné un hymne au commerce en général. Et, en particulier, à l’ouverture de négociations officielles entre l’Union européenne et les États-Unis en vue de la conclusion d’un traité de « partenariat transatlantique ».
Oh ! bien sûr, José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, a un peu gâché cette belle unanimité en qualifiant de « complètement réactionnaire » la position de la France, qui, le 14 juin, a exigé et obtenu que la création audiovisuelle soit exclue de ces négociations de marchands de tapis. Mais François Hollande a estimé que ledit Barroso ne pouvait pas avoir commis un tel dérapage. Et tout le monde a repris la célébration de cette sorte d’« Otan économique » en gestation.
Obstacles innombrables
Cameron a énuméré les gains attendus de l’abaissement des droits de douane et de l’harmonisation des normes techniques et sanitaires entre les deux rives de l’Atlantique : jusqu’à 1 % de croissance en plus, 100 milliards de dollars (74,7 milliards d’euros) supplémentaires pour la planète, et même 1 000 milliards de dollars si tous les pays du G8 parviennent à conclure les négociations commerciales bilatérales en cours. Rejoignant le choeur, Angela Merkel a alors lancé : « Nous avons besoin de grands projets qui nous réunissent. » Et même : « Je mettrai tout mon poids politique derrière un tel mandat en faveur d’un accord de libre-échange. » Oublions donc que les obstacles vont être innombrables, que chaque pays va s’efforcer de protéger les secteurs où il est faible (les marchés publics ou le transport maritime, pour les États-Unis) et de libéraliser ceux où il est fort (l’agriculture ou le secteur financier, pour l’Europe). Et croyons dur comme fer à l’automaticité des bienfaits du libre-échange, notamment en matière d’emplois !
Les huit présidents et Premiers ministres se sont également congratulés au sujet de la mise au pas de leurs fraudeurs et de leurs évadés fiscaux respectifs. Le résultat est certes encore un peu théorique, et il faudra attendre la réunion du G20, à Saint-Pétersbourg (5-6 septembre) pour que l’immense majorité de la planète souscrive à cette oeuvre de moralisation et de salut public. Il n’empêche, ils ont adopté un texte fort que le Premier ministre britannique a commenté en ces termes : « La déclaration de Lough Erne doit [aboutir] à ce que ceux qui veulent échapper à l’impôt n’aient nulle part où aller. » Ladite déclaration comporte quatre engagements de nature à rebattre les cartes de la fiscalité mondiale. Et à donner des recettes bienvenues aux États le plus souvent impécunieux.
1. « Les administrations fiscales à travers le monde doivent échanger automatiquement leurs informations afin de combattre le fléau de l’évasion fiscale. » L’OCDE est le promoteur de cette formule, qui évite aux fiscs nationaux d’avoir à demander des informations… et à patienter longuement avant d’obtenir une réponse. Les États-Unis l’ont déjà imposée à tous ceux qui veulent avoir des relations économiques avec eux. Les dix paradis fiscaux britanniques (îles Anglo-Normandes, Bermudes, îles Caïman, etc.) ont promis à Cameron qu’ils communiqueraient les informations demandées.
2. « Les sociétés doivent savoir qui les détient vraiment ; les administrations fiscales et les autorités doivent pouvoir obtenir facilement ces informations. » Ce serait la fin des sociétés écrans ou des trusts cachés dans les paradis fiscaux.
3. « Les États doivent modifier les réglementations qui permettent aux entreprises de transférer leurs bénéfices d’un pays à l’autre pour échapper à l’impôt ; les multinationales [pétrolières et minières, notamment] doivent dire aux fiscs combien d’impôt elles paient, et dans quels pays. » Si ces règles étaient appliquées, Apple et Google, par exemple, seraient contraints d’acquitter des milliards de dollars d’impôts.
4. Les multinationales « doivent rendre publiques les sommes qu’elles versent aux gouvernements, et ceux-ci doivent publier leurs recettes en provenance de ces sociétés ». Les ONG ont applaudi. « La révolution de la transparence est en marche », a affirmé Adrian Lovett, du groupe One Campaign.
Hollande a fait un peu de surenchère en estimant qu’on aurait « pu aller plus loin ». Mais ce serait déjà beau si les membres du G8 appliquaient la déclaration de Lough Erne dans son intégralité. Et si la Suisse mettait fin au secret bancaire qui a fait sa prospérité. En tout cas, Poutine n’a pas dit « niet » !
* Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni, Russie.
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