Les « Y’a bon Awards » contre la banalisation du racisme
La remise des prix 2010 des meilleures phrases racistes en France a eu lieu jeudi 28 mai au soir, à Paris. Parmi les personnalités distinguées, Brice Hortefeux, Fadela Amara, Éric Zemmour et Nicolas sarkozy.
« Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes. » Pour ces propos tenus en août 2009, Brice Hortefeux, a été dignement récompensé hier soir dans la catégorie « Pour l’ensemble de son œuvre » au cours de la cérémonie parodique des Y’a bon Awards 2010, présentés à la Belleviloise, à Paris, par l’humoriste Blanche (révélée par le Jamel Comedy Club) et la comédienne Aïssa Maïga. Mais le ministre de l’Intérieur n’est pas venu réceptionner sa « banane d’or »…
L’évènement, dont le nom fait référence à l’imaginaire colonial associé aux boîtes de cacao Banania, est organisé par l’association des Indivisibles, parrainnée, entre autres par Lilian Thuram. Celle-ci utilise l’humour pour dénoncer les meneurs d’opinions qui véhiculent publiquement des préjugés racistes. Ou apportent leur soutien à ces derniers. Fadela Amara, secrétaire d’État à la Ville, a ainsi reçu le prix dans la catégorie « Touche pas mon pote raciste » pour avoir défendu le ministre de l’Intérieur en disant – le plus sérieusement du monde – que ce dernier avait « de l’humour »…
Nombreuses récidives
Si la soirée de gala organisée par les Indivisibles stigmatise les auteurs de propos racistes, elle ne les incite pas vraiment à calmer leurs ardeurs. Éric Raoult (UMP), qui avait remporté le grand prix dans la catégorie « pour l’ensemble de son œuvre » lors de la première édition des Y’a bon Awards l’an dernier, a si bien récidivé que la catégorie des « Zéric » a dû être créée – un nom qui renvoie également au ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, Éric Besson, mais aussi au journaliste du Figaro, Éric Zemmour.
C’est d’ailleurs ce dernier qui a, cette année, devancé ses deux concurrents en remportant le prix dans cette catégorie très disputée grâce à son passage remarqué à l’émission Ça se dispute sur iTélé, le 20 février 2010. Dans un débat portant sur les Quick halals en France, il déclarait : « On voit ce qui est en train de survenir, c’est-à-dire que des quartiers, des villes et bientôt des départements, des régions entières [deviennent] complètement halalisées. »
Mais Nicolas Sarkozy a lui aussi été distingué. Il a remporté la palme dans la catégorie « Origines contrôlées » pour sa prestation qu’il voulait comique, lors de la remise de la Légion d’honneur à l’acteur, humoriste et réalisateur Danny Boon. « Vous êtes fils d’un Kabyle […] Ça ne commençait pas terrible, faut bien le reconnaître. Heureusement, la République vous a ouvert ses portes », a lancé Nicolas Sarkozy, en blaguant. Filmé, l’entretien est disponible sur You Tube.
Escalade islamophobe
Les perles racistes auxquelles les Y’a bon Award’s ont rendu un vibrant et ironique hommage ne manquent pas. Jacques Ségéla, distingué dans la catégorie « Le Bruit et l’odeur », déclarait notamment à Beau Magazine en février 2009 : « L’Africain (…) garde une pureté, une innocence, une naïveté, qui est la forme que doit prendre la publicité. L’Africain est heureux malgré les drames qu’il côtoie. (…) La force de l’Africain, c’est de savoir garder cette part enfantine que les autres adultes effacent. »
Quant à André Valentin, maire UMP de Guissainville (Meuse), il déclarait dans le 20 heures de France 2, le 1er décembre 2009 : « II est temps que l’on réagisse, car on va se faire bouffer… (…) Il y en a déjà 10 millions, alors, il faut bien réfléchir. Dix millions que l’on paye à ne rien foutre ! (…) Si l’immigré travaille, qu’il ne me fait pas chier avec sa religion et qu’il respecte le drapeau français, ça ne me pose pas de problèmes. (…) Je ne suis pas raciste, mais… »
La recrudescence de phrases racistes prononcées publiquement en France depuis une année inquiète la présidente du groupe des Indivisibles, Rokhaya Diallo, qui dénonce en particulier « l’escalade politique islamophobe qui a lieu en France à la faveur du débat sur l’identité nationale ». Pour elle, il ne s’agit pas de simples dérapages verbaux mais d’un « ensemble cohérent de discours offensifs ». Qui rendent, justement, les Y’a bon Awards indispensables dans le paysage médiatique français. « Mais, reprend-elle, certaines nominations risquent de nous coûter des subventions. » Rokhaya Diallo a donc lancé donc un appel à la générosité de tous ceux qui désirent que la tradition des Y’a Bon Awards se perpétue.
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