Grand ménage à la veille du Mondial
Alors que le pays s’apprête à accueillir la Coupe du monde de football, les populations indésirables – mendiants, prostituées, enfants des rues – sont victimes d’une politique d’aseptisation menée tambour battant par Pretoria.
Comme nombre de pays accueillant un sommet ou un événement important qui attire sur eux les regards du monde entier, l’Afrique du Sud est devenue une fervente adepte des « cache-misère ». Quelques semaines avant le début de la Coupe du monde de football, qui aura lieu du 11 juin au 11 juillet prochain, le pays de Mandela a donc commencé son grand nettoyage d’automne (et non de printemps, puisque nous sommes dans l’hémisphère Sud).
Adieu, donc, mendiants, prostituées et enfants des rues qui, auparavant, pouvaient vaquer tranquillement à leurs occupations aux abords des places et des carrefours des principales rues du pays. Il n’est pas question d’importuner les quelque 300 000 touristes attendus, soit 150 000 de moins que prévu initialement – la plupart étant blancs et européens, bien-sûr. Les populations indésirables sont donc éloignées des lieux les plus fréquentés par les autorités, au grand dam des associations citoyennes que ces pratiques révoltent.
« Les gens sont retirés de la rue et envoyés dans des refuges, mais ce sont des camps de concentration », s’indigne Warren Whitfield de l’Addiction Action Campaign, une organisation spécialisée dans l’aide aux toxicomanes. « C’est une violation de notre droit constitutionnel », ajoute-t-il, accusant son pays d’attenter « aux droits de l’homme pour préparer cet événement mondial ».
Aveugles zimbabwéens
À Durban, sur la côte Sud-Est, où aura lieu une demi-finale, le front de mer est inhabituellement calme. Depuis la rénovation de la promenade – pour environ 20 millions d’euros -, les sans-abris et vendeurs à la sauvette ont disparu. Quant aux 400 enfants qui survivent d’ordinaire dans les rues de la ville, ils auraient été emmenés par la police, selon les associations, dans un foyer en périphérie. « Ils nous ont dit de retourner d’où nous venons. Ils disent que Durban est sale à cause de nous », a témoigné un jeune de 13 ans au journal The Times.
Les migrants zimbabwéens, déjà victimes de violences xénophobes en mai 2008 qui ont fait 62 morts et des milliers de déplacés, font aussi les frais du grand coup de balai décidé par Pretoria. Selon un rapport publié le 26 mars par Solidarity Peace Trust, une association de défense des droits de l’homme, Johannesburg est notamment l’objet d’une « politique claire d’aseptisation », en particulier autour de la zone autour d’Ellis Park, l’un des dix stades du Mondial.
Enfant sud-africain dormant dans la rue, en plein jour (Unicef)
Au cours des deux derniers mois, la ville s’est vidée de ses aveugles zimbabwéens, mais aussi des mères avec enfant qui mendiaient aux principales intersections de la ville. « Leur présence viole les règlements municipaux et nous les arrêtons (…) C’est un exercice de police classique, que nous avons intensifié en vue du Mondial », reconnaît Edna Mamonyane, porte-parole de la police municipale. « Dans la plupart des cas, les femmes avec enfants ou les handicapés sont envoyés dans des centres sociaux, ajoute-t-elle. Seules les prostituées nous donnent vraiment du fil à retordre. Nous les arrêtons chaque jour de nouveau. »
Brigade du vice
La prostitution est illégale en Afrique du Sud. Pour des raisons de santé publique, plusieurs groupes de pression plaident donc pour sa décriminalisation pendant le Mondial. Mais devant l’opposition farouche d’associations familiales et religieuses, les autorités ont opté pour une approche à la dure. Dès septembre, la ville du Cap a ainsi mis en place une « Brigade du vice ».
Des dispositions qui n’empêcheront pas les femmes vénales d’offrir leurs services aux fans de foot, souligne la Cellule d’action pour l’éducation et la défense des travailleurs sexuels (Sweat), basée au Cap. « Nous pensons plutôt voir une augmentation de l’activité des travailleurs sexuels pendant la Coupe du monde », relève l’organisation. « C’est effrayant quand on sait que notre pays a le plus grand nombre de séropositifs au monde. » Quelque 5,7 des 48 millions de Sud-Africains sont porteurs du virus du sida. Le taux de prévalence du VIH est de plus de 45 % chez les prostituées, selon la seule étude sur le sujet publiée en 1998. (avec AFP)
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