Bourgi et Wade dans l’ombre de la libération de Clotilde Reiss

Des discussions franco-iraniennes soigneusement menées à l’écart des ministères et des ambassades. Une médiation dirigée par Karim Wade. L’habileté de Robert Bourgi, conseiller de l’ombre de Nicolas Sarkozy sur les questions africaines. Autant d’éléments qui ont permis la libération de la jeune universitaire française, Clotilde Reiss, le 16 mai.

Les présidents iranien et sénégalais, Mahmoud Ahmadinejad et Abdoulaye Wade, le 26 novembre 2009. © Reuters

Les présidents iranien et sénégalais, Mahmoud Ahmadinejad et Abdoulaye Wade, le 26 novembre 2009. © Reuters

Publié le 19 mai 2010 Lecture : 3 minutes.

Les tractations pour faire libérer Clotilde Reiss, emprisonnée à Téhéran depuis les manifestations antigouvernementales de l’été 2009, semblaient au point mort depuis des semaines. Brusquement, le week-end dernier, les choses s’accélèrent et la jeune femme est libérée. Les médias n’ont rien vu venir, mais les initiés ne sont pas surpris. Les négociations ne s’étaient jamais arrêtées. Depuis plusieurs mois, elles allaient même bon train.

Dès octobre 2009, le chef de l’État sénégalais, Abdoulaye Wade, se propose pour mener la danse entre Paris et Téhéran. Des rencontres ont lieu, des discussions sont entreprises mais, en novembre, le « Monsieur Afrique » de l’Élysée, André Parant, demande à Dakar d’en rester là – sur consigne du conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy, Jean-David Levitte. D’autres pistes sont en cours d’examen, dit-on, d’autres canaux diplomatiques vont être empruntés.

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Jusqu’au mois de mars 2010, l’Élysée explore ces voies, sans succès. C’est alors que l’avocat français Robert Bourgi entre en scène. Il propose de relancer la médiation du président Wade, qui entretient de très bons rapports avec le pouvoir iranien. Nicolas Sarkozy lui fait confiance, Claude Guéant accepte.

Les 12, 13 et 14 mars, les premiers entretiens destinés à préparer les négociations avec Mahmoud Ahmadinejad ont lieu. Robert Bourgi se rend d’abord à Beyrouth où il rencontre des hauts dignitaires du Hezbollah – mouvement politique chiite libanais. Ceux-ci introduisent l’émissaire français auprès du général Mohamed Nassif, le chef des services secrets syriens. L’entrevue, qui dure cinq heures, a lieu à Damas. Au cours de celle-ci, Robert Bourgi appelle au téléphone Claude Guéant, et lui passe Mohamed Nassif.

Mission discrète

À son retour à Paris, l’affaire semble bien engagée. Le 26 mars, Claude Guéant, qui suit l’évolution des choses de près pour le compte du président français, reçoit Bourgi et le ministre d’État Karim Wade, qui est également fils du président sénégalais. Ils évoquent une prochaine visite à Téhéran, une mission tenue secrète : ni la DGSE, ni le Quai d’Orsay, ni même la cellule diplomatique de l’Élysée, dirigée par Jean-David Levitte, n’en sont informés.

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Arrivés dans la capitale iranienne le 29 mars, Robert Bourgi et Karim Wade ne se rendent pas à l’ambassade de France, où les diplomates ignorent tout de leur présence et où Clotilde Reiss, assignée à résidence, attend désespérément l’avancée de son « dossier ». Les missi dominici vont droit au but en s’entretiennent trois heures durant avec Mahmoud Ahmadinejad lui-même, entouré de ses collaborateurs.
Les Iraniens sont satisfaits du retour d’Abdoulaye Wade dans la négociation et, introduit par lui, Robert Bourgi est à l’aise. Il a apporté des photos de la cérémonie de remise de sa légion d’honneur par Nicolas Sarkozy, dont il s’agit de plaider la cause, quelque peu écornée en Iran. Bourgi s’y emploie : Sarkozy est certes « l’ami des Juifs », dit-il, mais il n’est en rien l’ennemi des Perses, dont il admire la civilisation.

Une prière et puis s’en vont

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Les deux médiateurs demandent enfin la libération de Clotilde Reiss, accusée d’espionnage parce qu’elle a pris des photos lors d’une manifestation anti-Ahmadinejad.

Bourgi met en avant ses origines libanaises et surtout sa confession chiite. Jouant son va-tout, il demande à faire une prière à la mémoire de Rouhollah Khomeiny. Au nom du droit d’aînesse, c’est lui qui va la conduire, sous le portrait de l’ayatollah. Habile, Bourgi accompagne la prière des morts d’invocations de l’imam Ali, une pratique exclusivement chiite. Il va à ce point toucher Ahmadinejad que celui-ci en pleure ! Le 1er avril, le séjour iranien de Karim Wade et Robert Bourgi s’achève. Retour à Paris. À Claude Guéant, ils confirment que la libération de Clotilde Reiss est en bonne voie. On connaît la suite…

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