Les dessous de l’affaire Reiss, selon Abdoulaye Wade
Le président sénégalais souligne son rôle déterminant dans la libération d’Iran de Clotilde Reiss, dans un entretien au « Parisien ». Selon Abdoulaye Wade, qui se trouve à Téhéran depuis samedi, la Française aurait même pu être libérée il y a six mois grâce à Dakar.
S’agit-il du plus important fait d’armes d’Abdoulaye Wade depuis qu’il a entamé une carrière de médiateur international ?
Le communiqué, publié par la présidence sénégalaise samedi soir, affirmait déjà que la libération de Clotilde Reiss, une jeune étudiante française détenue en Iran depuis juillet 2009 après sa participation présumée à des manifestations anti-gouvernementales, était « consécutive à une médiation entreprise par le chef de l’État sénégalais ». Mais Abdoulaye Wade s’est fait plus précis sur son rôle dans cette libération, dans une interview au quotidien français Le Parisien le lundi 17 mai.
« On aurait pu gagner six mois »
« Cette libération est le résultat direct de ma médiation », affirme-t-il. D’après le président sénégalais, les Iraniens étaient déjà prêts à libérer Clotilde Reiss sous son impulsion, en septembre 2009. « J’avais demandé aux Iraniens, lors d’une visite à Téhéran, de la libérer pour raisons humanitaires », a-t-il raconté. Les relations entre Paris et Téhéran étaient alors glaciales, tandis qu’Abdoulaye Wade ne perdait pas une occasion de montrer sa proximité avec le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad.
Ce dernier aurait « accepté » la demande du Sénégal et lui aurait même dit : « Soit vous venez la chercher pour la ramener à Dakar avant de la livrer à la France, soit elle rentre directement à Paris. » « J’ai aussi tôt téléphoné à Claude Guéant [secrétaire général de la présidence française, NDLR] pour lui demander d’envoyer un émissaire à Dakar », poursuit Abdoulaye Wade.
Mais d’après le président sénégalais, André Parant, le « monsieur Afrique » de l’Élysée, l’aurait prié d’abandonner le dossier quelques jours plus tard, à l’automne 2009, lui expliquant « qu’il ne fallait pas d’interférences ».
« En mars dernier, le président Sarkozy m’a demandé de reprendre ma médiation » indique encore Wade, selon qui « on aurait pu gagner six mois ».
Des contreparties ?
Cette version des faits n’a pas été confirmée par l’Élysée, qui a toutefois remercié, dimanche, le président sénégalais pour son « rôle actif » dans le dossier, au même titre que le président syrien Bachar al-Assad et le Brésilien Lula da Silva.
Interrogé sur l’évocation de ces autres chefs d’État, Abdoulaye Wade assure avoir appris leur participation « à la télévision ». « Franchement, j’ignore tout de ces interventions… mais dans ces affaires, il y a beaucoup de gens qui interviennent », indique-t-il simplement.
Y a-t-il eu des contreparties à la libération de l’étudiante française ? Le président sénégalais affirme n’avoir connaissance d’aucune monnaie d’échange, et avoir plaidé pour un « geste humanitaire » afin de « restaurer l’image de l’Iran ».
La presse française souligne toutefois la concomitance de la libération de Reiss et de celle de l’ingénieur iranien Majid Kakavand. Retenu en France depuis mars 2009, ce dernier a pu rentrer dans son pays début mai. Quelques jours plus tôt, la justice française avait en effet refusé de le livrer aux États-Unis qui réclamaient son extradition.
Un deuxième détenu iranien renvoyé dans son pays
D’après le site internet du quotidien Le Monde, le ministre français de l’Intérieur, Brice Hortefeux, doit signer, dans la journée de lundi, un décret d’expulsion renvoyant dans son pays un autre Iranien, Vakili Rad. Ce dernier avait été condamné à la prison à perpétuité en 1994 pour l’assassinant de Chapour Bakhtiar, le dernier Premier ministre du Shah d’Iran, dont le régime avait été renversé par les fondateurs de l’actuelle république islamique d’Iran. Libérable depuis un an, Vakili Rad attendait la signature de son arrêté d’expulsion par la place Beauvau.
Paris, comme Téhéran, nie tout lien entre ces affaires. Le président iranien avait pourtant déclaré en décembre dernier que la solution de l’affaire Reiss dépendait « de l’attitude des dirigeants français ». Le 11 mai, quelques jours après la libération de Kakavand, Mahmoud Ahmadinejad avait souhaité une « décision rapide » de la justice concernant Clotilde Reiss. Elle avait été condamnée samedi à deux fois cinq ans de prison.
Ces peines avaient été immédiatement commuées par Téhéran, par « une décision de clémence », en une amende de 230 000 euros. L’avocat de Clotilde Reiss dit avoir immédiatement réglé la somme.
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